Le Reptile est le seul et unique western de Mankiewicz, mais quel western ! Il est vrai qu'on imaginait mal ce réalisateur se lancer dans un genre aussi codifié, mais justement, il le revisite à sa façon en choisissant de décrire un Far West volontairement inhabituel, loin de celui idéalisé par des gens comme Howard Hawks, Anthony Mann ou John Ford, de vrais habitués du genre. Les codes de l'Ouest n'existent plus sous la caméra de l'auteur du Limier, tout vole en éclats, c'est un western diabolique et drôle que Mankiewicz qualifiait lui-même de "western cynique".
Un western à tendance parodique dont le titre français fait allusion au comportement du héros joué par Kirk Douglas, véritable reptile qui vient se glisser dans une fosse aux serpents, symbolisée par ce pénitencier perdu en plein désert d'Arizona. Ce qui est drôle, c'est la description des pensionnaires de cette prison, véritable ramassis de crapules, de déchets humains et d'épaves, des portraits totalement atypiques qui détonent dans ce Far West vu de façon sordide. Le plus diabolique qui se cache dans ce nid de vipères, est Paris Pitman Jr, incarné par un Kirk Douglas goguenard dont l'oeil bleu luit d'une perfide intelligence derrière des lunettes d'acier ; j'avais lu une interview de lui dans un bouquin où il disait s'être beaucoup amusé à composer ce personnage reptillien qui règne sur d'autres reptiles.
Face à lui, un directeur de prison juste et vertueux, incarné par un Henry Fonda barbu poivre & sel, qui remplace un directeur vénal tué à la suite d'une mutinerie, mais qui va connaître le démon de la tentation. Autour d'eux, un remarquable aréopage de sales gueules incarnées par d'excellents acteurs comme Hume Cronyn, Burgess Meredith, Warren Oates, John Randolph ou Alan Hale...
C'est un film très brillant et jubilatoire comme toujours chez Mankiewicz, mais dont le sujet en forme de conte moral subtilement subversif est plutôt "hustonien", j'aurais en effet bien vu John Huston réaliser ce genre d'oeuvre pleine d'humour féroce, de cruauté, d'ironie et de cynisme jovial. C'est aussi l'un des rôles les plus excitants de Douglas qui compose un aigrefin cupide maniant la scélératesse avec une réjouissante bonne humeur. Le film fut fort mal accueilli aux Etats-Unis, ça n'a rien d'étonnant car il est beaucoup trop subversif et anarchique, il tape sur trop de morale et d'idées primordiales de notre société, mais aujourd'hui, c'est un régal, un western insolite aux diversions comiques à déguster absolument.

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le 21 déc. 2017

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Ugly

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