Le côté obscur de Clint Eastwood
Pour ceux qui comprennent vite mais pour qui il vaut mieux expliquer longtemps, voici le retour de l’Inspecteur Harry. Douze ans après le premier opus réalisé par Don Siegel, c’est Clint Eastwood lui-même - ce dont on espère qu’il ne se vante pas – qui orchestre le quatrième volet qui tourne autour d’un scénario classique (une froide vengeance à la suite d’un viol).
Au cas où l’on n’aurait pas compris que la police américaine est trop frileuse, incapable, corrompue et que lorsqu’elle franchit la ligne rouge la justice se charge de donner raison aux criminels, le chevalier blanc Dirty Harry repasse gratuitement la seconde couche sécuritaire sur l’espace de cerveau encore disponible des classes populaires influençables et friandes du « tous pourris ». Sous les traits d’un cow-boy à la répartie cinglante mais vieillissant - au point qu’on se demande par quel miracle il ne se fait pas fracasser plus tôt - l’inspecteur Harry se fait le pourfendeur d’une rafale de clichés et de lieux communs plus pesants qu’un épisode des Experts.
Si le premier opus ne laissait pourtant pas de doute sur les visés politiques d’un film par ailleurs correct d’un point de vue cinématographique, son jumeau frise l’overdose en enfonçant le clou à coups d’enclume. Cette fois, même plus besoin de sommation. Papy Harry flingue à tout va pour le plus grand bonheur de ceux qu’il s’est mis dans la poche après s’être fait narguer à la sortie du tribunal par une bande de voyous de bas étage. Sa hiérarchie est toujours aussi bornée, légitimant ainsi les méthodes du flic à l’ancienne. Bref si la barque devait être plus chargée, Clint se trouverait à bord d’un sous-marin.
Encore une fois la question de la peine de mort n’est pas abordée frontalement. Il y a des limites à la « lourdinguitude ». La fin du film se charge de régler le compte des avocats de la défense. En laissant repartir libre la meurtrière de quatre violeurs (qui pour des besoins idéologiques évidents sont passés entre les mailles du filet), le film légitime ouvertement le droit de se faire justice soi-même lorsque la situation semble permettre que la bonne pensée conservatrice le tolère. Voire l’appelle de ses vœux. C’est aussi nauséabond qu’un chef de l’Etat en talonnettes qui, sous le coup de l’émotion, vous pond une énième loi sécuritaire inapplicable pour calmer la meute avide d’une justice type jeux du cirque.
On souffre d’autant plus que le film n’est pas bon d’un point de vue purement cinématographique. L’apport de la musique se cantonne au générique nocturne. La séquence d’ouverture ne tient pas ses promesses. Très vite, les scènes, dépourvues de rythme, s’enchaînent sans grande trame. Plusieurs passages mous paraissent superflus. Il s’en faut de peu qu’on ne s’ennuie ferme par moments. La réalisation laisse franchement à désirer si bien qu’on s’attend par moments à voir surgir Peter Falk. A l’image du reste, la ficelle utilisée pour que l’inspecteur et la tueuse en série qu’il recherche se rencontrent est vraiment grosse. Et que dire du montage des réminiscences de la scène du viol avec plan serré fixe sur les yeux de la victime devenue coupable à son tour.
La seule vraie bonne idée, c’est cette scène entre Harry et Jennifer (Sondra Locke) à la terrasse d’un bistrot. Elle nous rappelle qu’il nous reste une heure à supporter ce café du commerce.