- Eh Callahan… Allons, fait pas cette gueule, tu peux pas gagner tout le temps pauv’ mec… Ah ah !
- [L’attrapant par la cravate] Écoute, pouilleux ! Pour moi tu n’es qu’une merde de chien qui s’étale sur un trottoir… Et tu sais ce qu’on fait d’une merde de ce genre ? On peut l’enlever soigneusement avec une pelle, on peut laisser la pluie et le vent la balayer, ou bien on peut l’écraser. Alors si tu veux un conseil d’ami choisis bien l’endroit où tu chieras…
Vas-y, allez ! Fais-moi plaisir !
JéJé fait son Bagou :
« C'est tout de même beau de se dire que la seule fois où Harry ne respecte pas la loi, celle dont il a toujours été le garant même à contrecœur, c'est pour sauver une femme violée se faisant justice elle-même. Et après on dit de l'inspecteur que c'est un homme sexiste, preuve qu'il y en a qui n'ont décidément rien compris au personnage. »
Ce qui devait finir par arriver arriva, l'inspecteur Harry est sorti des clous de la loi pour les beaux yeux d'une femme victime d'une injustice suite à un viol de groupe. Le retour de l'inspecteur Harry, quatrième épisode de la saga "L'Inspecteur Harry", dans lequel Clint Eastwood retrouve le personnage emblématique de Callahan, ainsi que pour la première fois au sein de la licence la casquette de réalisateur, est un épisode très particulier qui au vue de sa proposition aurait très bien pu servir de clôture à la franchise. S'il y a une chose qui revient continuellement à travers la saga débutée en 1971 par Don Siegel, ce sont les limites d'un système pénal libéral friable qui enchaîne les invraisemblances pour un laxisme des règles définies entraînant une injustice totale envers les victimes et toujours plus de droits pour les bourreaux. Un développement scénaristique qui va faire débat auprès de la critique, dressant un enjeu, un cadre et un raisonnement intelligent autour de plusieurs questions : " Peut-on justifier la violence au nom de la justice ? Lorsque la loi n'est plus suffisante pouvons-nous nous faire justice ? Où se trouvent les limites du policier et celle du justicier ? La loi à tout prix ? " Des questions auxquelles l'inspecteur Harry n'a eu de cesse d'être confronté durant les trois premiers films. Si à chaque fois il est allé au bord de l'extrême limite de la loi, il n'en est jamais sorti, restant le garant ultime d'un système imparfait dont il répare les torts. Un mal utile.
Pour autant avec ce 4e film, l'inspecteur Harry finit par braver l'interdit en prenant position contre la loi pour protéger une femme se faisant justice elle-même. La ligne rouge est franchie. Ce qui vient contraster le discours important tenu par Callahan face à Neil Briggs (Hal Holbrook) dans le deuxième opus sorti en 1973 avec "Magnum Force", par Ted Post :
« - Le mal pour le mal, Harry. Châtier les méchants.
- Très bien, mais le meurtre est-il la solution ? Lorsque les policiers commencent à vouloir faire les justiciers, vous savez ce qui arrive ? Bientôt vous commencerez à abattre des gens qui traversent en dehors des passages réservés et à descendre des automobilistes pour stationnement interdit. Ensuite vous massacrerez votre voisin dont le chien a pissé le long de votre clôture.
- Nous n'avons pas tué un seul homme qui n'est pas mérité d'être abattu.
- Si, il y en a un : Charlie McCoy !
- Alors, qu'auriez-vous fait ?
- J'aurais appliqué la loi.
- La loi. Qu'est-ce que vous connaissez de la loi ? Vous êtes un excellent policier. Vous aviez l'occasion de vous joindre à notre équipe. Mais vous stagnez dans le vieux système.
- Je vous jure que je le déteste ce vieux système. Mais tant qu'on ne m'aura pas indiqué un système plus convaincant, je n'en connaîtrai pas d'autres. »
Un échange très important qui pose les fondations du personnage ainsi que ses valeurs, qu'il va fatalement abandonner pour donner raison et sens aux justiciers. Neil avait raison, malgré toutes les belles moralités au bout d'un moment celui en quête d'une justice juste n'aura d'autres choix que d'appliquer sa propre sentence. Et si Harry avait jusqu'à présent réussi à résister plus que quiconque à cette facilité, le voici à présent du côté des transgresseurs. Le retour de l'inspecteur Harry représente l'échec d'Harry. Une conclusion désuète d'une intelligence rare qui comme ultime aventure aurait été parfaite.
On leur a présenté l'addition et ils ont craqué ! Naturellement…
En parallèle, Le retour de l'inspecteur Harry dresse un portrait percutant autour des victimes de viol, en posant une ambiance extrêmement noire qui va se focaliser sur le syndrome de stress post-traumatique. Une confection scénaristique abrupte qui dépeint sans filtre une victime atteinte d'un syndrome qui la ronge au point de revivre son trauma au travers des souvenirs envahissants. Une transgression faite également de persécutions mentales qui peuvent noyer une victime au point de la plonger dans un état de sidération total à cause d’une angoisse et d'une panique impossible à gérer. Élément tragique exploré via la sœur de notre justicière violée ayant subi le même sort tragique que celle-ci. Une atteinte indescriptible pour notre vengeuse qui quels que soient ses efforts pour se distraire, ne parvient pas à dépasser les souvenirs qui la ronge et qui lui font revivre à chaque moment ce terrible instant. Ne reste plus comme seule possibilité que de se suicider, ou alors d'affronter son traumatisme en éradiquant ses agresseurs impunies à travers des exécutions brutales. Un récit intense et difficile que Clint Eastwood va porter et réaliser avec solidité via une technicité soignée. Une mise en scène inventive avec des panoramiques et des plans de caméra ingénieux sur des décors de jungle urbaine nocive bien moins présente en parachutant l'intrigue non plus qu'à San Francisco, mais aussi et surtout à San Paulo. Une élaboration qui ne laisse rien au hasard, aussi bien dans l'exécution du rythme que les nombreux rebondissements percutants, jusqu'à la composition musicale de Lalo Schifrin, qui trouve avec ce titre une consonance bien plus amère et mortifère pour mieux coller à l'action présentée.
Clint Eastwood sous les traits de l'inspecteur Harry Callahan fait encore une fois mouche en trouvant une résonance intimiste venant former une approche moins radicale du personnage bien que le côté agressif de l'inspecteur soit toujours présent. Les chiens ne font pas des chats. Un Harry qui va troquer son magnum pour un pistolet .44 Automag avec lequel il va faire un carnage. Des confrontations à la pelle où il va dégommer des braqueurs, ainsi que des mafieux qui cherchent à se venger de lui car ayant éliminé leur boss. Une exécution qui montre le talent oral de Callahan, qui parvient grâce à ses fameuses répliques tranchantes à faire mourir d'une crise cardiaque un chef de mafia durant le mariage de sa fille. Un grand moment, suivi d'une course poursuite en voiture enflammée pour une justice sauvage auprès des violeurs qui fait du bien. Un Harry qui n'est plus seul grâce à son ami Horace par l'excellent Albert Popwell, qui va lui offrir un bouledogue nommé '' Patate ''. Un ajout fantastique qui confère beaucoup de sympathie à l'inspecteur qui s'humanise. La relation qu'il entretient avec Jennifer Spencer incarnée avec force par Sondra Locke apporte un duo intense. La comédienne est incroyable en tant que femme violée se faisant justice. Elle offre une prestation authentique qui prend aux tripes. On y croit ! L'aspect ''hypervigilance'' en restant sur ses gardes en permanence, surveillant tout ce qui se passe autour d'elle, le moindre bruit, le moindre passant, confère une crédibilité totale à son traumatisme. La séquence où Jennifer se rend à hôpital pour rendre visite à sa sœur Elizabeth, qui stagne dans un état végétatif, et où elle lui explique alors ce qu'elle a fait à un des bourreaux est poignante de réalisme. Enfin, chapeau aux pourries de l'histoire avec le comédien Paul Drake en tant que " Mick ", et la comédienne Audrie J. Neenan pour " Ray ". Des antagonistes détestables. Des animaux qu'on rêve de voir payer.
CONCLUSION :
Le retour de l'inspecteur Harry, en tant que quatrième opus de la saga "L'Inspecteur Harry", dans lequel Clint Eastwood retrouve le personnage charismatique de Callahan, ainsi que pour la première fois au sein de la la saga la casquette de réalisateur, est un très grand cru. Un film dur et intense qui dresse une histoire extrêmement noire autour des victimes de viol qui va venir offrir une résultante fataliste à Callahan, qui pour la première fois va franchir la ligne rouge en outre passant la loi pour protéger une justicière. Un opus symbolique représentant l'échec d'Harry à rester un flic droit devant la loi malgré ses méthodes brutales.
Un long-métrage d'une intelligence rare parfaitement maîtrisé de bout en bout.
Cet engin raffiné est un Magnum 44 automatique. Redoutable. Correctement utilisé, il efface un homme et ses empreintes digitales aussi.