Les cinéphiles ne peuvent bien sûr que s'en réjouir.
Un 1er film qui, bien qu'étant par définition un coup d'essai, s'avère un coup de maître.
C'est justement le cas de ce long-métrage traitant d'un ahurissant... cas !
La réussite de Daniel Vigne, qui a longuement travaillé pour le petit écran avant d'investir le Grand, est d'autant plus remarquable que le sujet abordé est tout sauf évident sur le papier de script.
En effet, c'est sur une étrange affaire que le réalisateur et son "scén-aristo", Jean-Claude carrière, invite à se pencher, via l'évocation filmée d'une histoire vraie qui ramène plusieurs siècles en arrière. En 1542, dans une communauté villageoise de l'Ariège, deux adolescents se marient, chose courante à l'époque : Martin Guerre, 13 ans ; et Bertrande de Rols, 12 ans. Fiasco illico ! Le mariage n'est pas consommé et Martin se montre distant, replié sur lui-même. En fait, il déteste les travaux de la terre et sa mésentente avec son père n'arrange rien. Un jour, consternation générale : Martin s'est enfuit.
Huit ans plus tard, alors qu'on le croit mort, il réapparait aussi soudainement. Sa famille, ses amis l'accueillent avec allégresse. C'est le grand pardon accordé au villageois prodigue. Bertrande peut enfin jouir de son statut de femme mariée avec, cette fois, un mari pas manchot du manche !. Tout va pour le mieux, jusqu'à ce que Martin Guerre demande des comptes à son oncle, qui a géré ses biens entretemps.
Le doute se distille tel un poison dans les esprits. Et si ce n'était pas le vrai Martin Guerre ? Si c'était un usurpateur, cherchant à flouer la famille de Bertrande, assez riche ? L'oncle, finalement, provoque une action en justice...
Raconter plus serait spoiler, à propos de ce mystère foutrement moyenâgeux !.
Mais on est constamment et intensément partagé, dans son fauteuil, entre doute et certitude. Tour à tour persuadé qu'il y a bien usurpation d'identité... Puis qu'il s'agit du vrai Martin Guerre !
Toute l'ambiguïté du personnage est parfaitement rendue par la magistrale interprétation de Gérard Depardieu. Quant à Nathalie Baye, elle est le plus souvent bouleversante dans son rôle tout en nuances. Sans oublier Roger Planchon (alors directeur du TNP), en juge Coras, du Parlement de Toulouse, qui a consigné l'histoire, lui évitant de tomber dans l'oubli.
Outre l'interprétation et la minutieuse/scrupuleuse reconstitution historique qui auraient dû justifier la sélection du film à Cannes (les sélectionneurs, au pilori !), il y a surtout la beauté de l'image. Douce luminosité tirant vers l'orangé. De quoi faire penser aux célèbres tableaux de l'Ecole flamande, ceux de Brueghel en particulier.
Il allait falloir patienter un bon bout de temps avant de voir "le retour de Daniel Vigne" dans l'actualité cinématographique !
Ce n'est d'ailleurs que 3 ans après qu'est sorti "Une femme ou deux", beaucoup moins inoubliable !