Afin de rafraîchir ma mémoire sur la saga, je me suis récemment offert un petit marathon. J'en présente ici le bilan.
Suivant le conseil de quelques amis, j'ai adopté l'ordre de visionnage suivant : 4-5-2-3-6. Je voulais vérifier si un tel choix se révélait pertinent.
Un des arguments est que l'expérience de la saga s'en trouve modifiée :
- avec l'ordre « classique » (4-5-6-1-2-3), trilogie et prélogie nous présentent deux histoires d'égale importance et strictement séparées par un protagoniste principal différent et 20 d'écarts de réalisation ;
- le visionnage « ordinal » (1-2-3-4-5-6) priorise Anakin/Vader, que l'on suit de la jeunesse à la mort ;
- et enfin, donc, l'ordre « atypique » (4-5-2-3-6), qui est au contraire axé sur Luke, avec une parenthèse (plus précisément un flashback) sur l'histoire de son père. Si j'en crois Google, le crédit de cet ordre de visionnage en revient à un blogueur américain, « No Machete ».

Mais un tel découpage rend-t-il honneur au scénario ? Revenons-y donc… Nul besoin je suppose de raconter l'histoire des deux premiers épisodes de la trilogie, elle est connue. Ce qui est intéressant, c'est la fin du Ve épisode : Vader vient d'annoncer à Luke qu'il est son père, Han Solo est congelé et préparé pour être transporté sur Tatooine. L'Empire se trouve en position de force, et les choses sont suffisamment en suspens pour se permettre un interlude.
Cet interlude, ce sera donc un flashback qui durera le temps de deux films, les épisodes II et III. On assiste consciemment à la transformation d'Anakin en Vader. Changement avec l'ordre original, c'est donc aussi à la fin de ce flashback que l'on apprend la filiation entre Luke et Leia.
L'épisode III étant conçu pour disposer d'une « fin absolue » (puisqu'il s'agit normalement de la conclusion de la saga), on peut fermer ce flashback et revenir tranquillement à Luke pour la fin de Star Wars au sens linéaire, avec l'épisode VI. On profite ainsi au maximum de l'intensité de la bataille d'Endor, la chute de l'Empire et le retour d'Anakin parmi le « bon côté » de la Force. Une fin d'autant plus judicieuse dans le contexte du rachat de la licence par Disney qui relancera (en décembre 2015) sa nouvelle trilogie 30 ans après cette bataille.

Un dernier argument en faveur de ce découpage est la suppression de l'épisode I, qui apparaît finalement dispensable dans ce contexte de visionnage. Il est possible de l'intégrer au flashback mais je trouve qu'il le rendrait alors trop « lourd » et risquerait de nous faire perdre le fil de l'histoire principale (celle de Luke, dans le cadre de ce découpage). Mais il est en effet possible de s'en passer, ce qui peut être une bonne nouvelle pour les nombreux détracteurs de cet épisode.
« La Menace Fantôme », ce sont Jar-Jar et Anakin à 9 ans, deux personnages parmi les plus agaçants de la saga. Ils ont explicitement pour but d'infantiliser une licence qui plaisait déjà à un public jeune. Et c'est dommage, car si la trilogie originale avait ce ton consensuel caractéristique des blockbusters, le ton restait (un peu) adulte, sans s'aliéner la jeunesse. Ce sont aussi les midi-chloriens, sur lesquels je reviendrais plus loin. Si l'épisode est globalement mauvais, il est surtout dispensable : tous les personnages introduits meurent (Qui-Gon, Maul) ou sont mieux développés dans les épisodes précédents. Le début de l'épisode II est absolument compréhensible pour quiconque n'ayant pas vu le premier.
Le seul élément qui m'a paru problématique est Tatooine, lorsqu'Anakin y retourne dans l'épisode II : la tension y est bien moins dramatique lorsque l'épisode précédent est retiré, puisque cette famille nous est étrangère. De plus, ce sera là une simple affaire de goût, Maul est un personnage populaire et la course de pods est souvent une scène appréciée des gens : si l'un et l'autre n'apportent pas grand chose à l'intrigue, ils n'en demeurent pas moins divertissants. A chacun de voir si la découpe en vaut la peine.
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Mais si je me suis regardé à nouveau la saga, ce n'était pas seulement pour essayer ce découpage mais également pour juger de sa qualité, quelques années après mon dernier visionnage. Les notes des 5 films correspondent plus ou moins à ce quoi je m'attendais avant de les regarder, à savoir :
- Épisode IV : 6/10
- Épisode V : 7/10
- Épisode II : 4/10
- Épisode III : 5/10
- Épisode VI : 7/0
Peu de surprises donc, à l'exception de l'épisode III dont j'avais de bien meilleurs souvenirs. L'exécution de l'Ordre 66, notamment, m'avait semblé épique à sa sortie mais m'a pourtant paru bien fade lors de ce nouveau visionnage.
Je remarque par ailleurs que les deux épisodes que j'ai le plus apprécié sont les seuls à ne pas être réalisés par George Lucas. Et c'est un peu dommage parce que je ne trouve pas non plus que Lucas soit un très bon scénariste, vu le manque d'originalité de sa saga. Si l'on en croit la prélogie, il est également un très mauvais directeur d'acteurs (Portman, Jackson, McGregor et Neeson ne sont pourtant pas des mauvais acteurs mais leurs prestations sont à la limite de l'acceptable quand elles ne sont pas tout simplement pitoyables). Jake Lloyd et surtout Hayden Christensen prouvent aussi qu'il n'est pas très inspiré lorsqu'il s'agit de sélectionner son casting.
La trilogie se défend mieux sur ce sujet, mais je n'ai jamais non plus trouvé les acteurs flamboyants. J'ai toujours eu du mal avec le rôle ultra-cliché d'Han Solo et Mark Hamill n'est lui pas très bon acteur, même s'il fait le boulot (c'est déjà plus que les interprètes d'Anakin). Sans compter que Lucas, c'est aussi ces interventions ridicules pour rajouter des effets numériques à sa trilogie, la retouchant constamment.

Pourtant, la saga fonctionne. Et, vraiment, j'ai du mal à comprendre pourquoi. Les dialogues sont creux et répétitifs, l'univers n'a aucune cohérence, les personnages sont peu intéressants et l'histoire sent le réchauffé.
Commençons par la question de la cohérence parce que je sais que c'est toujours quelque chose de sensible lorsque l'on parle de SF. Il y a une différence entre réalisme et cohérence : je n'attends pas d'un film de SF (ou de fantasy) qu'il soit réaliste mais qu'il soit cohérent.
En tant que spectateur, j'accepte l'univers de Star Wars. L'existence de pouvoirs religieux permis par la Force me semble normale parce que c'est intégré au synopsis. Tant que l'on essaye pas d'y ajouter une raison pseudo-scientifique (ce que fait Lucas avec les midi-chloriens), je ne tente pas d'y chercher une logique ou une justification : ce n'est pas de la « hard SF ». Si la galaxie semble effacée de toute donnée physique telle que la gravité, faisant de chaque planète une facette météorologique de la Terre, cela ne me pose pas non plus de soucis. Je comprends aussi pourquoi, malgré l'existence de millions de races, les personnages importants sont quasi-systématiquement des humains : le contraire aurait imposé trop de contraintes (dialectes différents, etc.), il était préférable de ne garder qu'un faible nombre de personnages non-humains (Chewie, R2).
Bref, mon statut de spectateur me permet de passer outre le fait qu'il s'agisse d'un univers scientifiquement impossible. Si cet univers n'est pas réaliste, le job du réalisateur est néanmoins de le rendre cohérent, sinon il casse mon immersion. George Lucas s'écarte trop souvent de cette tâche à chaque fois qu'il lui paraît plus facile de faire autrement. Toujours en tant que spectateur, il est assez désagréable de voir parfois le sabre-laser rebondir sur du métal, parfois le trancher selon les besoins du moment. L'univers de Star Wars est jonché de ces moments, probablement par simple fainéantise de la part du réalisateur.

Sur les combats au sabre, à présent. Ils font sérieusement cheap dans la trilogie... C'est vraiment étonnant alors qu'il est clair que Lucas trouve son inspiration dans de nombreux courants de cinéma tels que les films orientaux, les westerns, les films de capes et d'épées, etc. Les chorégraphies sont vraiment mauvaises et ne semblent ni réalistes, ni spectaculaires. La prélogie, elle, esthétise à outrance ces duels et retire parfois toute la violence des combats (voir la vidéo : « La menace (complètement) fantôme » sur Youtube). D'ailleurs, il faudra m'expliquer pourquoi tous les Siths se battent avec le sabre-laser alors qu'il me semble que c'est présenté comme une arme de Jedi. Et pourquoi la couleur des leurs est systématiquement rouge, si possible avec une justification autre que la philosophie manichéenne dans les codes de couleur (rouge = méchants).

Mais rien n'y fait, j'apprécie toujours visionner la saga. Car si l'histoire est banale, elle reste efficace. Tous les ressorts scénaristiques sont connus (ce qui peut être désagréable à la lecture) parce qu'ils font références. S'agissant de SF, l'univers est dépaysant et c'est appréciable. C'est parfois douteux (oui, ce sont les Ewoks que je regarde) mais globalement satisfaisant, surtout dans la trilogie dont l'utilisation de maquettes est bien préférable à la folie numérique de Lucas dans la prélogie. Je parlais plus tôt des duels au sabre, les combats spatiaux sont une autre facette de Star Wars, que je trouve cette fois assez jouissive au visionnage.

Le coup des différentes possibilités de visionnage prouve aussi qu'il existe plusieurs grilles de lecture à Star Wars, selon le focus sur Anakin ou Luke. C'est vraiment un changement de point de vue qui est ici en jeu, et je trouve que que l'expérience s'en trouve transformée.
De la même manière, la prophétie est sujette à interprétation : « un Jedi viendra détruire le côté obscur et rétablir l'équilibre dans la Force ». Anakin est sans doute l'Élu, au moins « temporairement » (il détruit les Siths, faudra-t-il un autre Élu si les Siths reviennent dans la trilogie à venir ?), puisqu'il tue un Palpatine qui, il faut l'avouer, était bien affaibli et condamné dans une zone de l'Espace qui allait être conquise par les rebelles. Ce faisant, il retourne d'ailleurs du bon côté de la Force. Et c'est un là que le bât blesse : pour être efficace, une prophétie de SF/fantasy se doit d'être incompréhensible. Comment peut-on assimiler la destruction des Siths (le côté obscur de la Force) avec l'équilibre de la Force, c'est-à-dire a priori la juste proportion entre le bien et le mal ? Difficile de penser que la Force est manichéenne et ne trouve son équilibre qu'en supprimant l'un de ses éléments. D'ailleurs, Anakin participait activement à la destruction des Jedi dans l'épisode III, provoquant un déséquilibre cette fois en faveur des Siths. Et si l'équilibre, c'était la succession de phases dominantes d'un côté ou de l'autre de la Force ?
Ou peut-être, plus simplement, que la prophétie est le fruit d'un Jedi un peu trop illuminé qui a été trop prise au sérieux par la suite.
Hugo_Grellié
7
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le 2 déc. 2014

Critique lue 338 fois

Hugo Grellié

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