Le Rire
6.4
Le Rire

Film de Martin Laroche (2020)

Une oeuvre différente et complexe qui fascine et envoûte malgré ses imperfections et zones d'ombres.

Voilà le genre de proposition cinématographique que l’on ne voit pas tous les jours ! De son sujet à son traitement, « Le Rire » ne peut laisser indifférent et il en rebutera beaucoup. Il faut accepter de se laisser aller, de se faire faire bousculer et de ne pas tout saisir. Un peu comme dans un film de David Lynch auquel ce long-métrage fait lointainement penser. Contrairement à ce que son titre laisse augurer de manière paradoxale, ce film québécois (qui prouve encore la vitalité et la diversité d’une cinématographie en pleine possession de ses moyens) n’est pas du tout une comédie. On est plutôt dans un drame humain qui investit plein de genres et de tonalités, du psychologique au surréalisme. Un drame fort, doté de nombreux niveaux de lecture et dont le titre apparaît comme un révélateur. Le révélateur de l’importance de vivre, de profiter de la vie malgré les pires horreurs et donc d’en rire. La longue scène de stand-up, magistrale et terriblement émouvante, est le catalyseur de tout cela. Mais dans un film à l’univers et au contexte lourd, il y a quand même des moments très drôles comme la tirade de la directrice des ressources humaines de l’hôpital, très administrative et qui parle comme une machine. Un moment culte et totalement barré qui amène parfois « Le Rire » vers l’abstraction comique et un côté iconoclaste. Cependant, les perpétuelles ruptures de ton peuvent dérouter, voire décourager. Tout comme les nombreuses zones d’ombre et interrogations qui resteront à la sortie de la projection. Mais, pourtant, ça fonctionne et cette œuvre résonne longtemps dans nos esprits.


Dès le début, Martin Laroche ne prend pas le spectateur par la main et on voit s’enchaîner des scènes qui semblent n’avoir aucun rapport, ce qui peut décontenancer. On passe d’un mort dans une maison de retraite à une séquence de comédie musicale en guise de générique pour ensuite faire un retour dans le passé où l’on assiste à une guerre au Québec, où des soldats mettent les gens nus pour les fusiller puis les entasser dans un charnier. Charnier duquel le personnage principal va survivre… Et quelques années plus tard, nous entrons dans la vie de ce personnage devenu aide-soignante dans la maison de retraite. « Le Rire » raconte en pointillés comment elle va survivre avec ce douloureux trauma du passé au sein de cette uchronie temporelle. Mais pas d’une façon consensuelle, loin de là. On est face à une réflexion philosophique sur la résilience et le besoin de légèreté après l’horreur, une réflexion très complexe et pleine culs-de-sac narratifs et de pistes narratives. De nombreuses scènes, entre rêves, hallucinations et onirisme vont s’immiscer dans le scénario et vont mettre la notion de réalisme à mal. Il y a de nombreuses séquences symboliques et d’allégories dont la teneur et le sens ne sont pas toujours avérées et laissées à l’appréciation de chacun. C’est parfois trop opaque et sibyllin mais, finalement, passionnant à décortiquer. La Mort rôde sur tout le film, mais c’est la Vie qui l’emportera in fine. La salle de bains et la Femme brune incarnée par Sylvie Drapeau semblent être le réceptacle de toutes les métaphores et cristallisent l’étrangeté de cette œuvre qui semble aussi parler des notions de passer à côté de sa vie et de savoir qui on est vraiment.


« Le Rire » doit également beaucoup à son actrice principale, une véritable révélation qui nous fait passer du rire aux larmes et dont le naturel et la force émotionnelle frappent de plein fouet. Elle s’appelle Léane Labrèche-Dor et son nom est à retenir, on entendra parler d’elle à coup sûr ! Il y a beaucoup de dialogues, voire de monologues, dans ce long-métrage. Is sont passionnants et disent bon nombre de vérités. Mais, surtout, ils donnent à réfléchir sans pour autant être lourds comme des cours de philosophie, un domaine avec lequel cette œuvre flirte allègrement. On apprécie également la mise en scène tour à tour glacée et clinique puis aérienne et plus proche de ses personnages, une réalisation agréable à l’œil qui n’est pourtant pas tout le temps adaptée au contenu de cette œuvre mystérieuse à la puissance dramatique indéniable. Cependant, c’est tellement étrange qu’il serait difficile de prétendre savoir ce qui aurait visuellement le mieux convenu. C’est peut-être aussi un peu long et inégal, il faut le préciser. Néanmoins, « Le Rire » est un film inclassable mais fasincant. Une œuvre différente et qui ose. Avec de véritables partis pris narratifs et visuels qui intriguent durablement et font passer un moment de cinéma rare. Imparfait certes, ce n’est pas « Mulholland Drive » ou Donnie Darko », mais ça a le mérite d’essayer et, surtout, d’émouvoir et faire réfléchir sans pour autant donner toutes les clés de compréhension à cet univers labyrinthique. Ce n’est peut-être pas assez ludique au vu du sujet mais c’est incontestablement perturbant voire envoûtant.


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JorikVesperhaven
7

Créée

le 2 févr. 2020

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1 commentaire

Rémy Fiers

Écrit par

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1

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