LE RIRE DE MADAME LIN (12,8) (Zhang Tao, FRA/HONGKONG, 2017, 82min) :
Rare sont les films dont l'affiche arbore en entête une recommandation de l'immense cinéaste Wong Kar Wai : "La grandeur d'une mère dont la force mérite le plus profond respect". Cette phrase attise ma curiosité et m'invite à aller découvrir ce qui se trame derrière ce commentaire presque solennel.
Le Rire de Madame Lin propose un âpre drame sociologique narrant le destin d'une vieille paysanne inscrite dans un hospice, par ses enfants, contre son gré, considérant qu'après une chute leur mère est devenue inapte pour rester toute seule chez elle, dans un village de la province de Shandong. Pour son premier film le réalisateur nous présente une autopsie sociale des relations familiales par rapport aux vieux et les mutations de mentalités qui s'opèrent dans la Chine contemporaine loin des traditions ancestrales où la place de l'ancêtre était essentielle dans la construction d'une famille et dans les racines de la transmission. Le cinéaste opère cette radiographie avec une mise en scène minimaliste presque documentaire, où les plans fixes abondent pour illustrer de longues séquences du quotidien. Un dispositif qui met à jour l'effrayante évolution des mœurs, où l'argent prend place au détriment des sentiments, et à l'intérieur duquel les enfants doivent attendre le décès d'une personne âgée dans l'établissement de retraite, pour enfin se "débarrasser" de leur mère trop encombrante pour eux. Cette tragédie de l'absurde se déploie à travers un lent récit cruel sans pathos mais avec un humour cynique, où Madame Lin bien éduquée ne proteste pas contre son sort scellé par ses enfants et ne possède que l'arme d'un rire provocateur entre sanglot et lucidité de la situation dérisoire pour lutter contre l'inévitable dénouement. Le cinéaste livre une étude authentique, presque ethnographique, avec une narration romanesque et elliptique manquant malheureusement d'émotion, de dynamisme dans la progression de l'histoire et de scènes inattendues. Car malgré les excellentes interprétations effectuées par des acteurs non professionnels, et la durée de 82 minutes du long métrage, l'ennui pointe parfois au cœur de cette fiction privée d'humanité au sein de ces maisons pitoyables. Venez découvrir cette misérable peinture campagnarde où les racines de la société chinoise sont mises à mal et où il ne reste plus que Le rire de Madame Lin en guise de désespoir. Brutal. Austère. Tragique. Universel.