Maudit soit la Tyrannie qui brise l'innocence des Reves Enfantins!
L'enfant que j'étais lorsque je l'avais vu pour la première fois n'avait certainement par cerné toute la poésie magique de ce film et était encore moins au fait du contexte sous-jacent qui le cernait. Mais il avait probablement succombé à ces personnages enchanteurs et à son esthétique enfantine colorée, charmé qu'il devait être par les aventures rocambolesques de L'Oiseau philosophe et ses jeunes compagnons d'infortune. Mon innocence d'alors projetait sur ses doubles d'écran la fraicheur d'un premier amour sibyllin et la gaité d'un volatile charmeur et volubile, intrigué qu'il devait se sentir devant cette aisance à concilier lucidité sur le monde qui l'entourait en même temps qu'un incontestable optimisme à la vie.
Quelques années plus tard, la magie opère toujours autant. Si la naïveté du début à laissé place à moins d'incrédulité, sa saveur n'en demeure pas moins intacte et son rayonnement pourrait bien toujours enchanter petits et grands. Tandis que l'adulte se délectera d'une critique à peine voilée sur le petit univers sacré de la royauté française du temps de sa Monarchie , les plus jeunes ne cesseront de s’émerveiller devant tant de beauté graphique. La simplicité du trait n'a d'égal qu'avec son adéquation aux codes du conte légendaire. Les ors du palais caractérisent le privilège d'un Régime , sinon totalitaire, à tout le moins très autoritaire. Et les tableaux qui le parcourent ne sont pour le despote en place qu'une béate contemplation du culte de la personnalité. L'outrance dont il est affublé dénote bien la caricature qu'a voulue en faire Grimault pour mieux moquer ce Monarque de pacotille. A noter que la ville somme qu'il conduit d'une main de fer rappelle étrangement le "Metropolis" de Fritz Lang, dans l'aliénation qu'elle fait subir à ses travailleurs et cette idée que la chaine humaine annonce des temps bien sombres pour toute démocratie qui se respecte.
Contre ce qu'il considère comme une ignominie, l'artiste à le devoir de réveiller les consciences et sublimer le réel lorsque celui-ci se perd dans les travers de la privation de liberté. Voila sans doute pourquoi les portraits peints prennent alors soudainement vie sous la forme de frêles et ravissants chérubins et viennent perturber les envies de grandeur décadente du pantin colérique. Ils incarnent l'avenir de la jeunesse et la bonté d’âme qui pourrait renverser la cruauté du Droit Divin, telle qu'était la conception du pouvoir de l'époque. L'Amour qui unit ces deux êtres purs va à l'encontre d'une pensée sclérosée qui enferme sa population dans l'obscurité totale. Ainsi leur périple et leur séparation forcée ne peut que renforcer la symbiose de cette grandeur et anéantir le Mauvais Esprit, combien même il serait surpuissant. L'alliance de leur innocence et du savoir plumé châtie Le Mal.
A voir de 7 à 77ans, pour ne pas oublier que l'enfance est mère de tous les ravissements!