Le Roi Lion
5.7
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Jon Favreau (2019)

Poursuivant sa politique d’adaptation « live » des plus grands classiques du studio, Disney s’attaque cette année à un monument, l’un de ses films d’animation les plus réputés et aimés de toute son histoire : Le Roi Lion. Forcément, les fans ne laisseront rien passer qui égratigne un tant soit peu leur chouchou, et les bandes-annonces laissaient sceptique. Verdict ?


Le Roi Lion version 2019, réalisé par Jon Favreau, n’est ni honteux ni un mauvais film, au contraire. C’est même une plutôt agréable surprise à plusieurs niveaux, bien que l’argument du recyclage vain soit difficilement réfutable. Favreau, qui était déjà le réalisateur du Livre de la jungle en 2016, connaît la maison et sait comment faire un peu de neuf avec du vieux, du moins autant que possible. Car même si le film d’origine a émerveillé toute une génération d’enfants, il est difficile de renouveler ses thématiques depuis le temps très éculées et de nuancer ses personnages un poil manichéens – avouons-le – sans s’attirer les foudres du public. Là est toute la difficulté, et même : l’impossibilité de l’entreprise. Sans aucune nouveauté, l’on s’écriera : quel intérêt ? Avec la plus infime modification, l’on s’écriera : trahison !


Et pourtant, Favreau parvient encore une fois à trouver un équilibre satisfaisant. Le parti-pris est presque intégralement esthétique. L’idée de refaire un film, plan par plan (à 80-90%), mais en photoréalisme, peut laisser songeur ; et c’est là l’une des réussites du film. C’est d’abord déroutant, lorsqu’il est presque impossible de différencier les lions entre eux, de repérer Zazou parmi les autres piafs, ou de trouver une once de loufoquerie dans l’apparence de Timon et Pumba. Mais une fois cet obstacle surmonté, les visuels fonctionnent franchement. Bien sûr, cet aspect quasi-documentaire fait perdre aux personnages leur expression cartoonesque, leur « humanité », leur caractérisation que seul le cinéma d’animation peut à ce point travailler. Peu importe. Le rendu est vraiment bluffant, les animaux sont plus vrais que nature, les détails sidérants (les crinières, les pattes, les yeux, les flaques d’eau), les mouvements ont l’air si naturels et authentiques que l’on oublie toute la personnification inhérente à beaucoup de Disney pour se laisser emporter par une sorte de documentaire animalier rythmé en chansons. Il faudra tout de même relever, et c’est assez dommageable malheureusement, l’échec visuel de nombreux décors et paysages, notamment pour des raisons de lumière et de couleurs (tout est très terne, trop peut-être). La terre, l’herbe, les rochers sonnent faux et contrastent vraiment avec le rendu magnifique des animaux eux-mêmes. Rien d’outrageux mais des inégalités esthétiques qui piquent un peu les yeux par moments.


L’autre grand défi concernait les musiques, forcément. Là encore, il fallait faire un choix : prendre le risque de les réorchestrer, ou se contenter d’en faire de plates reprises. Pour le coup, Favreau semble être resté coincé entre les deux possibilités. On ne pouvait que louer la prise de risque d’adapter la bande-originale du Livre de la jungle en version jazzy, ce qui était déroutant mais apportait un ton réellement inédit à l’ensemble. Ici, ce ne sont ni de strictes reprises, ni de vraies réinterprétations. Les rythmes, les mélodies, les instruments sont les mêmes, mais le chant n’est identique qu’à 90 : pas assez pour justifier les modifications, déjà trop pour énerver lorsque l’on connaît par cœur chaque mot prononcé, chaque intonation des chansons du film d’origine. Les chansons sont les mêmes à quelques vibes près, qui paraissent forcées et finalement de trop. Le côté R’n’B apporté par l’interprétation de Beyoncé (pour la VO), sans doute…


Fort heureusement, cela n’entache pas trop le plaisir de redécouvrir ces scènes de chant. Oui, les chorégraphies sont inévitablement plus sages, pour coller à l’aspect réaliste du film (on ne voit plus des lionceaux faire du toboggan sur des cascades, ou Scar déclencher des geysers de flammes vertes), mais l’inverse eût été probablement une faute de goût. Au moins, le parti-pris est respecté et le cap tenu jusqu’au bout.L’enthousiasme est intact, et les scénaristes se sont même permis quelques modulations dans les paroles, qui cassent à deux ou trois reprises le quatrième mur en faisant de l’auto-citation ou en jouant avec l’attente de spectateurs connaissant déjà le film par cœur. L’effet est plutôt réussi, car suffisamment rare pour ne pas déranger.


En définitive, Le Roi Lion nouvelle génération n’est pas la catastrophe annoncée. Les craintes étaient légitimes, mais la plupart semblent avoir été balayées. De là à crier au chef-d’œuvre, non. Au très bon film, non plus. Après tout, il n’y a absolument rien de neuf à l’horizon en terme d’histoire, de thématiques, de personnages. Mais est-ce surprenant et dommageable ? Là est toute la question quant au projet même de ces réadaptations. Ce Roi Lion ne cherche pas à inventer, mais à donner de nouvelles images à une fable déjà connue de tous. Sur ce point, c’est une réussite (à quelques réserves près, donc). Pour le reste, il faudra se contenter du service minimum et d’un énième recyclage parfois lassant. Heureusement, l’émotion fonctionne encore, dès la séquence d’ouverture, et le réalisme donne même une impression supplémentaire de fatalité, de déterminisme dans une nature qui n’a jamais paru aussi impitoyable.


[Article à retrouver sur Le Mag du Ciné]

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le 19 juil. 2019

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Jules

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