Le Roi Lion
5.7
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Jon Favreau (2019)

Le lion est mort ce soir... La magie aussi.

Le Roi Lion, c'est le symbole du nouvel âge d'or de Disney, bâti sur les succès de La Petite Sirène et de La Belle et la Bête... Alors même qu'à l'origine, le film était plutôt envisagé comme un tout petit projet anodin, un laboratoire pour outsiders, tandis que le studio croyait bien plus en leur interprétation de Pocahontas, où tous leurs cadors avaient été affectés. On connait tous la suite, et surtout cette Histoire et ses ruses.


Le remake n'était donc qu'une question de temps.


Sauf que ce Roi Lion 2019 souffre de toutes les mêmes tares congénitales affligeant La Belle et la Bête ou encore Aladdin. En les poussant peut être même à leur paroxysme.


Pourtant, avec les images léchées et la perfection des effets spéciaux mis en oeuvre, la savane n'aura peut être jamais été aussi belle, et les animaux qui la peuplent aussi bluffants de réalisme, comme dans Le Livre de la Jungle. La performance technique est donc portée à nouveau au firmament, argument principal de ce remake : l'eau, les poils, la poussière, le rendu de la musculature des bêtes, le moindre photogramme transpire le réalisme, le sublime, abolissant un peu plus encore la différence entre la réalité et l'animation par ordinateur.


Sur ce plan là, le remake s'illustre haut la main.


Sauf qu'il faudra, dans un constat assez amer, se contenter finalement de cela. Et du scénario du film original, conservant ses accents shakespeariens les plus déchirants.


Car pour le reste, même si le film demeure regardable et ravira à coups sûr les yeux, les déceptions s'accumulent. Et la plus regrettable d'entre elles, fatale, est l'absence de toute magie liée à l'animation traditionnelle. Ce remake, en effet, s'évertue à lisser chaque élément qui s'aventurerait à dépasser du cahier des charges Disney de sa nouvelle politique.


Ainsi, adieu l'aspect particulièrement lugubre et démesuré du cimetière des éléphants dans lequel Simba s'aventure. Adieu l'excentricité revigorante de ce bon vieux Rafiki ou la folie douce du duo Timon / Pumba plombée par le doublage d'un Jamel Debbouze qui n'a pas évolué depuis sa piètre composition pour l'antique Dinosaure ou encore sa purge Pourquoi J'ai pas Mangé mon Père. Adieu les fulgurances et les couleurs aux accents surréalistes de la séquence illustrant la chanson Je Voudrais Déjà Etre Roi ou Hakuna Matata. Tout comme la capture, par le crayon et l'animation faite à la main, de ces regards, de ces expressions parfois fugaces et à la fois terriblement humaines faisant que l'on s'attache à des personnages de papier et de celluloid.


Cette absence la plus totale de fantaisie ne peut qu'être soulignée par la volonté de reprendre, parfois au plan près, toutes les scènes les plus emblématiques, à l'image de ce prologue, d'une puissance qui filait des frissons en 1994, qui ne se limite, aujourd'hui, qu'à une photocopie sage qui aurait été totalement vidée de sa substance.


Cette approche du remake, constante dans le film, soulèvera peut être de sacrés doutes dans la tête du spectateur, ainsi que des interrogations assez évidentes en termes de propriété intellectuelle.


Car si on annonce un Jon Favreau derrière la caméra, peut-il être encore qualifié de réalisateur quand il se repose sur une armée d'infographistes et d'animateurs surdoués ? Quand il reprend à son compte nombres de minutes d'un long métrage de 1994 supervisé par Roger Allers et Rob Minkoff ?


On pourra se poser la même question concernant le scénario de l'entreprise. Ecrit à l'origine par Linda Woolverton, on se retrouve aujourd'hui, au générique, dans un culot qui laisse assez songeur, avec un Jeff Nathanson qui s'est contenté d'allonger la sauce, alors que le dessin animé original, ramassé en une heure et demi, se révélait un bijou de rythmique et d'équilibre. Un Jeff Nathanson meurtrier qui s'est contenté de trouver une raison à chaque action, de surligner le propos et de le rabâcher par des dialogues augmentés inutiles et des nouvelles scènes encombrantes créant un long ventre mou. Comme s'il considérait que les synapses du cerveau des enfants de 2019 ne fonctionnaient plus.


Quant aux ellipses du film de 1994, elles sont consciencieusement éliminées, comme si ce procédé relevait du gros mot dans la grammaire moderne...


Car on n'en est peut être finalement là : tout expliquer à chaque instant, tout clarifier, tout montrer à un spectateur qui devient dyslexique cinématographique. Histoire qu'il comprenne bien tout et ne se pose aucune question.


Il sera cependant nécessaire de penser à une seule à la sortie de la salle projetant ce Roi Lion millésimé 2019 : Y-a-t-il encore une quelconque place pour la magie chez Disney ?


Behind_the_Mask, pour qui le photocopillage tue le liv(r)e.

Behind_the_Mask
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le 20 juil. 2019

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