C'est un peu Simba qui devient Pattenrond.
Si tu as la référence, je te fais un virement paypal de 1 euro et je ne plaisante même pas. Et ne commence pas à me dire que c'est trop peu, parce que qui ne ramasserait pas une pièce de un euro au sol ? On peut s'acheter 5 bouteilles d'eau avec ça. Donc votre mentalité c'est de gâcher cinq litres d'eau en fait ? Les plus mesquins diront que Disney gâche bien ses licences avec les live action. Franchement je n'aurais pas aimé. Nous allons aborder en sept points les problèmes que représentent pour moi ce Roi Lion. Avant toute chose, j'aime Disney. J'aime Disney au point d'avoir des figurines Blanche-Neige, j'aime Disney au point d'avoir un tableau de Raiponce et j'aime Disney au point d'avoir la musique Libérée Délivrée en tête de mes écoutes sur spotify avec plus de 35 écoutes. Donc automatiquement je vais voir Le Roin Lion comme j'irais voir La fée Clochette. Et oui, j'ai marqué Le Roin Lion parce que j'ai ripé, mais dans un souci d'honnêteté avec vous lecteurs je vais garder ça au montage. Je ne vais pas faire la liste des points positifs car ils seront, de fait, aussi abordés dans les points négatifs. Ce billet n'a pas pour but d'enfoncer des portes ouvertes ou de tirer à boulets rouges sur un film qui se fait déjà particulièrement bien amocher. Mais en sortant de la salle, j'avais des choses à dire. Notons que j'ai vu le film en VO, ce qui n'est pas de mon fait mais plutôt celui de mes amis. J'étais un peu déstabilisé mais, au final, et en voyant quelques extraits en VF plus tard, j'ai établi un autel dans ma chambre pour ces amis qui m'ont fait heureusement passer à côté de ça. J'aborde ces points par le prisme de l'émotion, parce qu'au final c'est quasiment le seul moteur de nos dessins animé Disney préférés, et c'est le lien entre tous les défauts que peuvent représenter cette version de 2019. Il n'y a qu'un seul point négatif qui les relie tous : l'émotion.
1 / L'expression des visages
Passons ce point rapidement, parce qu'il a déjà été énormément abordé ces dernières semaines. Le photoréalisme en l'état pose des contraintes logiques qui font que l'on ne peut pas blâmer éternellement cet aspect là du film. Ils ont fait le choix (pas si) audacieux de mélanger live action et CGI, et si les animaux sont particulièrement bien réussis, il y a un fossé entre ce que l'on trouve dans le dessin animé et l'extrême réalisme des animaux que l'on retrouve dans cette version de 2019. Dans un Disney, l'intensité passe par toute une série de codes et de libertés qui rendent les scènes gargantuesques et rythmées. Les visages en font partie. Simba est très expressif, Scar aussi, et c'est en ça que Disney établit aussi des personnalités bien définies dans ses mondes. Ici, elles sont absentes, donc on se prive déjà d'une source d'émotions supplémentaire.
2 / Les voix des personnages
Si je lis ici et là que les voix sont très réussies et particulièrement en VO, j'avoue rester quant à moi assez dubitatif sur la pertinence de cet argument. Certaines le sont, à bien des égards, mais d'autres dont Mufasa (un comble, étant donné que c'est le même), les hyènes ou encore Nala sont pour moi ratées. Si elles collent bien aux personnages pour la plupart, et en oubliant totalement les voix originales du dessin animé (puisque, de toute manière, je n'avais jamais vu Le Roi Lion en vo), le manque de nuance est flagrant et il l'est encore plus dans la VF. Les personnages sont, à part Zazu, Rafiki et parfois Scar totalement dénués de cette folle impulsion de l'émotion. Le ton est moins appuyé, la peur moins présente, et des scènes (on y reviendra) pourtant emblématiques perdent totalement de leur charme et de leur impact principalement à cause des voix qui font le job, en doublant parfaitement le film. Sauf que le problème est là. Le Roi Lion n'est pas un film. Et le Roi Lion n'est pas le problème en soi, puisqu'il s'agit de toute la franchise Disney. Parce que chez Disney, le rythme est théâtral, les tirades volontairement appuyées pour donner de l'intensité dramatique ou comique aux personnages. J'ai eu beaucoup de mal à sentir la maturité mêlée à l'insouciante encore très présente de Simba à partir de l'âge adulte, ou le sarcasme omniprésent de Scar.
3 / Les musiques
On aborde sûrement le sujet le plus épineux de ce Disney Live. Nous avons tous en tête, en anglais ou en français, les musiques du Roi Lion. A ceux qui disent que les gens ne sont jamais contents, que l'on fasse un copier-coller ou un remake très éloigné, j'aimerais dire une chose. Nous ne sommes pas contents lorsque l'on fait un peu des deux, et c'est justement ça tout le problème. Lorsque l'on réarrange (à peine) les musiques, pas assez pour en faire quelque chose de nouveau, mais assez pour en enlever toute l'essence et l'émotion. Parce que c'est le véritable problème de ce Roi Lion de 2019. Les musiques n'ont de charme que parce qu'elles font écho à ce que nous avons déjà vécu auparavant. Elles font frissonner que parce que nous sommes dans un cinéma, avec un écran géant et la musique forte. C'est exactement le même phénomène lorsque Les Animaux Fantastiques nous donne quelques notes de Harry Potter. Ca fait plaisir, ça met la chair de poule, mais tout est retiré à côté. Certaines sont très réussies, comme celle d'introduction, et d'autres tombent dans une banalité qui me fait mal au coeur, comme L'amour brille sous les étoiles ou Soyez prêtes. Les musiques présentes dans ce Disney de 2019 sont des musiques de 2019, parfois même allant jusqu'à être réarrangées avec un vague flow Rnb. Sauf que les musiques chez Disney, c'est sacré, c'est la sainte corde sensible qui marche tout le temps avec la même formule. Des voix portées par l'intensité, l'émotion, le rythme, les fins de phrases tonitruantes et l'exagération des sentiments, que ce soit pour Hakuna Matata, Histoire Eternelle ou L'air du vent. Il y a toujours des sentiments démesurés qui nous ramènent à un temps, une époque, un univers propre à Disney mais qui nous parle à tous. Peu importe la qualité des voix ou du chant, pourvu qu'il y ait l'émotion. Ici, tout est aseptisé, propre, endormi, Soyez prêtes en tête, où l'on va même jusqu'à zapper les moments où Scar hurle. Disney, c'est la surenchère, ce n'est pas de la variété.
4 / Les chorégraphies
Des chants avec les oiseaux de Blanche Neige aux escalades d'animaux dans Le Roi Lion, les chorégraphies ont toujours été pensées pour nous faire croire à l'impossible, et nous donner la confiance nécessaire pour affronter les situations du quotidien. C'est beau, féerique, souvent manichéen et excessivement loufoque. C'est le sel d'une bonne scène musicale Disney, et Fantasia ne pourra pas me contredire. L'argument du réalisme ne tient plus, parce que Le Roi Lion de 2019 se permet quand même d'énormes libertés avec le comportement des animaux durant ses scènes, tout en gardant une cohérence de mouvements qui peine à convaincre. Autant aller jusqu'au bout. Parce que voir des girafes se relever toutes tour à tour, des hyènes écouter sagement un Lion en discutant avec lui, c'est bien, sauf que ça n'existe pas. Quel est l'intérêt de refaire Le Roi Lion si c'est pour le dénaturer et jouer sur deux tableaux à la fois, frustrant à la fois les inconditionnels du dessin animé et les adeptes d'un réalisme exacerbé ? Je vais même aller plus loin, qu'est-ce qu'une musique de Disney sans sa chorégraphie ? A quel moment est-ce censé décrire les paroles ou exposer une situation ? C'est censé transcender la chanson ! Pour vous donner un ordre d'idée, la chorégraphie chez Disney (qu'elle soit minimaliste ou déjantée) est quasiment toujours encore plus puissante que les paroles ou le rythme de la chanson, qui est elle-même une exagération du réel. Ici, c'est l'inverse, et c'est ne pas comprendre Disney.
5 / Les scènes ratées
Il y a quatre scènes qui sont particulièrement ratées pour moi, mais je ne reviendrai que sur une seule d'entre elles. Hakuna Matata, parce que ce titre est totalement anecdotique et injustifié pour ce qu'il s'y passe désormais dans ce Live. La fin de l'affrontement entre Simba et Scar, puisque Scar n'est ici plus contraint à avouer mais le fait délibérément, aux yeux de tous, un non sens total. La mort de Mufasa, beaucoup trop abrégée et particulièrement mal réalisée, même si je l'avoue j'ai versé ma petite larme. Et enfin, la scène de l'apparition de Mufasa dans le ciel. Je ne parlerai pas de L'amour brille sous les étoiles, étant donné que, malgré l'imaginaire collectif, la scène du dessin animé ne se passe pas exactement la nuit, mais vers la fin de journée/soirée - même si je suis d'accord, elle perd tout son charme.
La scène de Mufasa dans le ciel est celle que j'attendais le plus. Elle me fait pleurer à chaque fois, elle est le tournant décisif de l'état d'esprit de Simba, elle est sûrement en terme de narration la plus importante de tout le dessin animé, celle qui fait véritablement prendre conscience à Simba que la vie n'est pas Hakuna Matata, qu'il a une histoire et qu'il doit retrouver sa place parmi les siens, et sauver les gens qui l'ont fait. Et pourtant, cette scène est devenue totalement désincarnée et dépourvue de substance. La voix de Mufasa n'est plus aussi puissante et chargée, il n'apparait plus dans le ciel et Simba semble impassible face aux dires de son père. Bordel, et là je dis bordel, ce n'est absolument pas ce que véhicule cette scène originelle ! Simba est perdu ! Il ne sait plus qui il est, il ne sait plus ce qu'il doit faire, il est désespérément seul, supplie son père de rester, son visage est comme illuminé lorsqu'il le voit. Et Mufasa, protecteur, bourré d'envergure, de hauteur et de caractère, pourtant tout aussi autoritaire et "dur" (les personnages qui aiment sont souvent durs dans Disney, une éducation "à l'ancienne", comme quand Mufasa vient sauver Simba des hyènes et qu'il ne tente à aucun moment de le rassurer, et va lui donner une leçon avant d'être plus gentil avec lui), qui lui dit qu'il a oublié qui il était. Ce sont des mots très forts, très durs à entendre et particulièrement intransigeants. "Tu as oublié qui tu étais. "Tu vaux mieux que ce que tu es devenu Simba". Vous vous rendez compte de l'impact, alors qu'il pensait épouser une philosophie et être quelqu'un de bien ? Ce sont des mots extrêmement puissants et percutants envers son fils, pourtant fondamentaux et tellement, tellement chargés d'amour pour son fils. Avec cette musique extraordinaire qui sublime le ciel infini et Simba écrasé par sa quête d'identité et la perte de ses repères. Quid de toute cette analyse dans Le Roi Lion de 2019 ? C'est un exemple parmi tant d'autres, qui m'ont fait regretter l'incapacité volontaire de Disney de ne plus nous donner ce genre de moments qui marquent une époque, et une histoire.
6 / La perte de la pureté
Le problème majeur de Disney, de Marvel et de toute cette horde de films et de remakes qui au final se ressemblent tous. La perte de la pureté, de l'essence même du sentiment humain au détriment de tous les autres aspects marketing et financiers. Parce que l'on ne peut plus assimiler discrètement les hyènes aux nazis. Parce qu'on se doit de prendre Beyonce pour vendre son film. Parce que faire apparaitre Mufasa dans le ciel, ce n'est pas réaliste. Parce qu'un Marvel sans humour, c'est chiant pour les jeunes. Parce qu'un Marvel avec de vraies musiques, à quoi ça sert parce qu'il en sort un tous les six mois ? Parce que pourquoi vouloir marquer l'histoire avec des suites de Star Wars, quand des tas de trilogies vont suives dans les prochaines années ? Parce que pourquoi vouloir faire un nouveau dessin animé Disney, quand refaire un Disney qui a marqué l'histoire va être un des plus gros succès de toute l'histoire du cinéma ? Pourquoi appeler des cinéastes de génie exigeants avec une vision, quand certains sont bons et disent amen à tout ? Demain, on vous demande de vous lancer sur un gros projet, qu'il faudra finir dans six mois pour laisser place à un autre. Vous allez vraiment utiliser toutes vos cartouches et faire ce que bon vous semblez, ou vous allez aller au plus facile, en y mettant une qualité relative ? La perte de la pureté, de la création, de l'émotion dans son aspect le plus brut, c'est terminé. Bien sûr, certaines scènes de certains Disney sont encore très attendrissantes, et possèdent des émotions fortes, mais elles sont rarement véhiculées par des enjeux qui nous dépassent petit à petit. Elles le sont par des éclats, par de la rhétorique facile, par des ficelles que l'on réutilise tout le temps, par la mort. Dans Le Roi Lion, comme dans bien d'autres Disney avant ça, elles le sont parce que nous sommes les personnages. Parce que nous sommes Simba. Parce que nous savons ce qu'il a vécu, ce qu'il vit. Parce que tout a été mis en oeuvre, de l'émotion des musiques à l'émotion des scènes en passant par l'émotion des personnages stéréotypés, pour nous amener à ressentir très fort les désirs des protagonistes que l'on suit. A la fin de la scène de Mufasa dans le ciel, le spectateur n'a qu'une envie, aller tuer Scar et sauver les animaux, parce que ce n'est plus seulement la mission de Simba, c'est notre mission et tout a été orchestré pour que l'on se sente impliqué. Mais désormais, Disney comme le MCU et bien d'autres ne font ces scènes que pour faire avancer l'histoire, et terminer une aventure artificiellement épique.
La magie de Disney, c'est croire en l'impossible.
7 / L'originalité sinon rien
J'en viens au dernier point. La fameuse remarque "vous n'êtes jamais contents". La vérité, c'est que ça ne peut se passer autrement, et si ça se passe autrement, c'est pour une seule raison : un réalisateur qui veut changer les choses et qui a du génie en lui. Parce que, il faut se rendre à l'évidence, à aucun moment un copier-coller du Roi Lion original pourra égaler le premier. A aucun moment, pour des raisons multiples : la nostalgie, les possibilités infinies du dessin animé, l'émotion parfaite dans CE Disney en particulier, l'essence même de Hamlet. Tout est mis en oeuvre pour que ce Roi Lion soit inégalable. Alors que faire ? Il y a un dilemme entre gagner des dollars de manière stratosphérique (Disney est dans une année démesurée en terme de profits), et être original. Pourquoi prendre des risques quand, de toute manière, ce film rapportera des montagnes de dollars ? Ils auraient pu faire absolument n'importe quoi, ce Roi Lion aurait été un carton puisqu'ils jouent avec les souvenirs des gens, exactement comme est en train de faire Marvel. Peu importe la qualité, les gens iront voir Marvel puisque cela commence à faire des lustres que nous avons des films Marvel. La machine à cash ne peut pas être stoppée pour le moment. Pourquoi Disney changerait tout en prenant des risques considérables avec son film phare ? D'aucuns me diront que Dumbo a été ralisé par Tim Burton. C'est une des rares exceptions, et même si le film divise, c'est une prise de risque tout en restant dans le thème, comme avait pu l'être les Batman de l'époque ou celui de Nolan. Ce sont des prises de risque par des réalisateurs de génie. Mais même avec cette considération, Batman est assez noir pour pouvoir le faire, et Dumbo n'est pas aussi majeur que Le Roi Lion. Le Roi Lion ne pouvait que décevoir, et il était évident qu'en ne voulant ni tout changer, ni respecter l'émotion originelle de l'oeuvre, on allait droit vers quelque chose qui n'est ni mauvais, ni bon, avec certes des prouesses techniques exceptionnelles. Ce n'est personnellement pas ce que j'attends d'un Disney, et encore moins d'un remake. Quand j'allume ma nouvelle télé 4K, je suis très content de la voir mais c'est pour pouvoir profiter de grands films en 4K, sinon je suis frustré. Il n'y a pas de mal à tout changer drastiquement ou à copier-coller pour les dollars et le fan service, mais faut-il encore bien le faire et ne pas aseptiser son propos pour désacraliser l'émotion, l'histoire et l'ampleur de ce qui restera dans l'histoire comme l'une des plus fabuleuses quêtes d'identité et d'apprentissage jamais conçue.
Disney ne comprend donc plus l'essence même de sa franchise ?
J'aurais pu parler de l'humour, quasiment absent de cette version de 2019, et lorsqu'il est présent perd de sa superbe et de sa folie, au détriment de quelques vannes gênantes comme celles des hyènes. Nul besoin de rappeler que l'humour dans Disney est cocasse, déstabilisant et absurde, et pas une suite de running gags sur la prétendue homosexualité d'une hyène. C'est lourd et c'est mieux quand ça reste dans Avengers, Jon Favreau.
Pour conclure, Disney aura toujours mon coeur et mon âme, mais je suis triste à l'idée d'être un peu plus chaque année fait cocu par ma plus fidèle amante. Quand je pense que le coaster Aerosmith va être remplacé par Iron Man à Disneyland Paris, ça me fait de la peine. Nous sommes encore à l'aube d'une ère où l'originalité sera de s'affranchir d'un carcan, où toutes les idées les plus créatives seront toujours contraintes par la peur de ne pas plaire.
Et vous avez raison. Ce Roi Lion de 2019, finalement, me plait quand même. Et tous les lives qui suivront. Ce Roi Lion de 2019 me plait et on ne peut pas faire autrement, parce que l'on me met la cuillère directement dans la bouche.
Ce Roi lion de 2019 me plait et Disney continuera à faire des choses qui plairont à tout le monde. Mais vous savez quoi ? Vous connaissez l'infime différence entre cette aube de films plaisants et consensuels qui nous attend et 1994 ?
En 1994, Le Roi Lion allait changer ma vie et me faire grandir. C'est peut-être pour ça, qu'on est un peu déçus. Disney ne fait plus grandir les autres, il ne fait que se grandir lui-même.