Mildred est une femme d’origine modeste, qui s’est mariée à 17 ans. Sa vie se résume à faire la cuisine et à servir son mari. Le cœur de sa vie, ce sont ses deux filles pour qui elle souhaite une vie différente de la sienne et pour qui elle est prête à tout et plus particulièrement pour l’aînée dont elle cherche à acheter l’amour.
L’histoire s’ouvre sur le meurtre de Monte Beragon, le second mari de Veda. Un meurtre admirablement mis en scène : Monte est face à une glace tandis que le meurtrier se trouve derrière lui, tirant dans son dos, mais invisible pour nous. Ainsi cette question accompagne tout le film : qui a tué Monte Beragon ?
Après la scène inaugurale du meurtre, l’histoire est celle de la vie de Mildred qui la raconte aux détectives en deux temps. Au début de chacun de ces deux récits, une personne différente s’accuse du meurtre.
Ce récit nous apprend comment après que son premier mari l’a quittée, Mildred a acquis son indépendance financière, travaillant durement montant sa propre affaire pour offrir à Veda, sa fille aînée tout ce dont elle rêve. Mais tandis que sa mère se tue au travail, Veda est une véritable peste, égoïste uniquement préoccupée d’argent, de belles toilettes et d’apparence, méprisant sa mère pour ses origines et son travail en cuisine et ne se privant pas de le lui dire avec des paroles cruelles:
Si j'avais de l'argent, je pourrais te fuir avec tes poulets, ta cuisine qui pue la graisse, cette maison, cette ville minable, ces serveuses en uniforme et ces hommes en salopette. Tu crois que ton argent et tes permanentes font de toi une dame? Mais ce n'est pas possible, tu n'es qu'une péquenaude, une fille d'épicier et de femme de ménage. Oui, je fuirai cette pourriture que tu représentes!
Mildred soutient le feu de cette salve filiale avec une dignité impressionnante.
Joan Crawford campe à merveille les multiples facettes de cette femme prisonnière de la condition féminine de son époque qui s’émancipe avec courage : son désarroi, sa détermination, sa tristesse, ses espoirs, ses luttes, ses joies, sa force et sa douceur. L’actrice a relancé sa carrière avec ce film et mérité son oscar.
Michael Curtiz signe avec Mildred Pierce un film noir bien mené. La photographie en noir et blanc, le travail sur les ombres, sur les espaces intérieurs sont au service de ce drame qui nous est conté par une femme et avant tout une mère. Si l’on peut éventuellement deviner qui est le meurtrier il est difficile de saisir les mobiles avant d’arriver au bout de l’histoire qui nous tient donc en haleine jusqu’à la fin.