Pour son premier film, Julien Colonna met en scène la relation imprévisible et émouvante d'un mafieux corse en cavale avec sa fille adolescente.
Le regard transperçant de la jeune Ghjuvanna Benedetti impressionne par sa profondeur et son intensité. Saveriu Santucci déjoue les codes du traditionnel mafieux corse, souvent représenté tout en virilité et insensibilité. Les deux forment un tandem père-fille touchant, qui malgré le contexte qui les contraint à vivre cachés, cherche à construire une relation, avec la mort comme épée de Damoclès et la violence pour héritage.
Après Borgo et À son image, sortis tous deux cette année, la Corse est une nouvelle fois représentée au cinéma à travers les maux qui l'ont gangrénée ces dernières décennies : guerre des gangs et violence sur fond de règlements de compte. Et à l'instar de Thierry de Peretti, Julien Colonna a décidé de miser sur des "non comédiens", des personnages choisis pour leur authenticité et renforçant ainsi l'immersion du spectateur dans cette Corse des années 90, rythmé au son des journaux télévisés qui affichent les visages de ceux tombés sous les balles.
Le mélange des genres est particulièrement réussi. Tour à tour film de gangsters, thriller, film noir et drame familial, il plane en permanence sur le film une forme de mélancolie, renforcée par la chaleur assommante d'un été sous le soleil de plomb de l'Île de Beauté et par une bande originale hypnotique à souhait, très réussie et composée par @audrey.ismael. L'on en ressort fasciné par cette fresque aux images et au rythme envoutants, et mise en scène avec beaucoup d'élégance.
À 42 ans, Julien Colonna, lui-même fils d'une légende du banditisme corse, Jean-Jé Colonna, tragiquement disparu en 2006, signe là un premier long métrage assez brillant, forcément inspiré de sa propre histoire et qui sera à coup sûr nommé dans la catégorie Meilleur Premier Film aux prochain César.
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