Les décors sont superbes, presque constamment baignés de la lumière chaude au ton ocres et orangés d'un crépuscule propice au rêve. Les chouettes et les hiboux mis en scène dans toute leur variété de races parlent d'histoires et d'exploits antiques, entre chevalerie et récit d'heroic fantasy mis à la portée du plus grand nombre. Tout cela ferait presque penser que Le Royaume de Ga'Hoole : La Légende des Gardiens, au sein de la filmographie de Zack Snyder, doit s'aborder comme une sorte d'anomalie.
Animation 3D a priori destinée au jeune public, le film semblera extrêmement enfantin et naïf dans ses premières minutes, loin de la violence magnifiée d'un 300, des zombies de Dawn of the Dead ou encore des anti héros dépressifs de Watchmen. Quelques rencontres qu'effectuera Soren, ainsi que sa fascination béate face aux légendes, nourriront parfois cette impression. Pourtant, il serait malheureux de réduire Le Royaume de Ga'hoole à ce simple aspect, tant l'imagerie que Zack Snyder convoque secoue ou parasite, au choix, son effort.
Si cette position brouille quelque peu la cible du film à laquelle le réalisateur s'adresse, elle regorge cependant de thèmes étonnamment adultes pour une telle oeuvre, dont l'atmosphère pourra faire penser, à certains moments, au don Bluth de Brisby et le Secret de N.I.M.H.. Ainsi, l'image de véritables camps de concentration, de sélection de sangs purs, ou encore le regard laiteux, vitreux et vide d'oisillons transformés en véritables zombies ne manqueront pas d'évoquer, en creux, un certain fanatisme aveugle et la définition d'une race supérieure aux allures toutes fascistes. C'est aussi le rapport aux récits légendaires, la manière de les magnifier, de leur donner sens et de les perpétuer qui est interrogé, tant dans les rapports fraternels antagonistes que dans la relation qui se noue entre le jeune Soren et son mentor, balisant dans une même impulsion un récit initiatique des plus classiques dans sa narration.
S'il est des plus conventionnels dans le scénario qu'il propose, Le Royaume de Ga'Hoole enchaîne cependant les plans et les scènes magnifiques pour le représenter. Zack Snyder y injecte en effet tout ce qui faisait de 300 quelque chose d'épique et spectaculaire. Les lunettes 3D sur le nez, la scène de la tempête, par exemple, se révèle tout simplement à couper le souffle, tant l'immersion s'avère totale. Les scènes de vol sont tout simplement splendides et bien rendues. Ralentis, violence relative, fascination guerrière, signature shots à foison, plans aux accents militaires et martiaux, comme cette image d'un vol de hiboux filmés en contre plongée comme des bombardiers de la seconde guerre mondiale, Snyder donne libre cours à tout son art, à tous ses élans de mise en scène pour dessiner des combats aériens des plus exaltants. Toutes serres dehors, gantées de fer, coiffés de masques et de heaumes ouvragés, les chouettes et les hiboux que Le Royaume de Ga'Hoole fait évoluer deviennent de véritables chevaliers, tels qu'ils étaient représentés sur les parchemins et décrits dans les chansons de geste.
Epoustouflante réussite graphique aux couleurs chaudes flattant le regard, Le Royaume de Ga'hoole jouit en outre d'une animation ultra détaillée signée Animal Logic (déjà derrière le Happy Feet de George Miller) qui bluffera tout au long du film par son réalisme, venant appuyer une mise en scène de haute volée. Exaltant, ambitieux, magnifique, cette Légende des Gardiens porte bel et bien la patte caractéristique de son réalisateur, Zacky y imprimant tout ce qui fascine (ou rebute) dans sa filmographie afin d'offrir un film d'animation de premier ordre, aérien et profondément épique.
Behind_the_Mask, vol au dessus d'un nid de hiboux.