On est en pleine guerre du Pacifique, les soldats américains débarquent sur une île et s’avancent dans la jungle pour faire face à l’ennemi japonais.
Décidément Cornel Wilde est un réalisateur surprenant. Après La Proie nue, survival dans la savane africaine sorti de nulle part, il réalise ici rien de moins, pour moi, que l’un des meilleurs films de guerre du genre de l’histoire du cinéma.
Le sable était rouge est construit en deux parties, qui sont intimement liées par un même mouvement. Le film dessine une ligne droite, une ligne droite qui part vers l’infini en s’estompant petit à petit au fur et à mesure de sa progression. Cette ligne c’est le mouvement chaotique et absurde engendré par une troupe de soldats à travers une série de décors, une série de paliers, à la manière d’un jeu vidéo. On a donc successivement : la mer en bateaux, le débarquement sur la plage, les palmiers, les rizières, pour finir dans la jungle.
La première partie, qui s’achève en pénétrant dans la jungle, est construite comme une gigantesque séquence d’action viscérale durant laquelle les balles fusent, les bombes explosent, les corps tombent. Ce n’est que de l’action, que du mouvement. La caméra s’attarde brièvement sur 3 personnages côté américains et un japonais (ceux que l’on suivra plus étroitement dans la seconde partie) mais en les effleurant, en captant quelques répliques ou regards. Ce qui compte c’est l’absurde dynamique qui est produite. On ne sait pas ce qu’ils font réellement, eux non plus, ils avancent vers la jungle. Dans quel but, à quoi ça sert, personne ne peut vraiment le dire. Il suffit de ce simple mouvement en avant, qui ne mène à rien, pour démontrer avec une efficacité redoutable toute l’absurdité d’un tel conflit.
Toutefois, Wilde entrecoupe son geste par des inserts sonores ou visuels. Soit des voix off, soit des flashes back, soit des photos, exprimant une pensée, un ressenti ou un souvenir de tel ou tel protagoniste. La plupart du temps il y est question de femme, de ce, finalement, qui les rattache à une certaine forme d’humanité : aimer, désirer,…
Ces inserts brisent l’animalité qui règne sur cette île. Comme il l’avait exprimé de façon très personnelle dans La Proie nue, ici aussi il s’intéresse à l’animalité de l’homme, sa nature sauvage qui s’exprime selon la situation ou le contexte dans lequel il évolue. Le décor, la jungle de la seconde partie, est à la fois le théâtre d’une communication difficile entre l’homme et la nature, mais aussi le reflet de la psychologie intérieure des personnages.
La deuxième partie se déroule donc dans la jungle, excellemment filmée (aux Philippines) par ailleurs. La ligne droite esquissée du départ se noie peu à peu dans la végétation. L’objectif est de plus en plus trouble, les cibles moins visibles.
Wilde s’attarde alors d’avantage sur la psychologie des personnages, en leur donnant de la chair, ne les réduisant plus à de simples marionnettes justes bonnes à joncher le sol. Si le point de vue principal adopté est celui du camp américain, il prend le temps de filmer le contrechamp, le camp japonais, en lui donnant une humanité, des visages. Eux aussi pensent, ont des souvenirs, des désirs,…
Cette seconde partie permet d’enrichir considérablement le propos du film, en ajoutant à la puissante charge anti militariste une dimension humaine, prenant le temps de tisser des liens amicaux, amoureux, respectueux entre les différents soldats.
On peut penser avoir vu tout ça mainte fois dans des films ultérieurs, on pense à Platoon, au soldat Ryan,… mais il y a chez Wilde une singularité permanente. Une façon bien à lui de faire du cinéma que ce soit par l’intermédiaire d’un mouvement de caméra, d’un découpage, d’un insert, quelque chose de non conformiste, d’assez expérimental, qui donne au film une couleur très originale et personnelle.
J’ai trouvé ça génial, grand film de guerre.

Teklow13
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le 30 déc. 2016

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