J'ai eu beau contextualiser le film, son année de production (1951-52), les moyens techniques disponibles, les codes de l'époque qu'ils soient cinématographiques, sociaux ou encore du jeu d'acteur, etc etc eh bah j'en reviens inlassablement au même constat : ce film, sans être foncièrement mauvais, n'est absolument pas au niveau dont on l'affuble.,
J'en avais entendu monts et merveilles, prétendument comme faisant partie du panthéon du cinoche français, mais au final le soufflet est vite retombé.
2h30 de film pour l'époque c'est énorme et presque inédit. Ca sort largement du cadre-étalon des longs métrages qui durent 1h30/1h45 pour le début des années 50, surtout en France. J'avais presque hâte de découvrir ce qui se cachait derrière ce fameux Salaire...
Pourtant le début je l'ai bien aimé, apprécié. Cette lenteur moite comme le climat auquel font face tous les protagonistes du film. C'est lent, très lent, ça pose les bases des personnages, des lieux et des enjeux. Je me suis dit que c'était bon signe cette façon de ramper pendant 1h (oui oui 1h !) dans un espèce de huis-clos à ciel ouvert, dans cet endroit hostile, pauvre et où il n'y a rien à foutre, à part se faire chier. Des gonzes sont là, attendent, vaquent, boivent et....attendent encore et encore. Ca parle français, allemand, italien, espagnol, anglais. Pas très loin, une société d'extraction de pétrole (la SOC) dans laquelle les seuls espoirs sont permis pour sortir de ce trou du c** d'Amérique Centrale. Pas de fric, pas d'avion. Voilà en gros le topo.
La suite ? pas grand chose à vrai dire. Un pseudo road-trip de 500 bornes avec 900kg de nitro, deux camions, quatre types, 2 ou 3 obstacles sur le chemin et pi basta. Les personnages sont plats, sans substance, ils n'ont rien à dire de spécial alors que putain ils doivent parcourir 500kms. Ca jacte pour ne rien dire, ça joue les lâches, les durs, les Mac Gyver, mais à aucun moment ça ne parle des 2000 dollars de prime (par personne), laquelle leur permettrait de se casser de ce trou à rats. 2000$ en 1953 c'est CONSIDERABLE ! Ca ne parle pas des futurs projets, de ce qu'il feraient avec l'argent (hormis 30sec un type dit qu'il s'achètera une baraque), sinon walou que dalle sur le sujet. Ca ne parle que de choses triviales en fait.
On n'est pas là face à des gars cupides, loin de là, on est en présence de gars qui ont besoin de cette somme pour juste se barrer, car ce fric c'est LEUR sésame. Ni plus ni moins. Mais Clouzot a décidé de faire du Clouzot, à savoir ruiner un film avec un gros potentiel, en en faisant juste...un film quelconque. La fin en est l'exemple criant.
Je parlais des personnages lisses, Yves Montand est de ceux-là. Un jeu d'acteur proche de la nullité, des dialogues eux aussi tout nazes et sans aucune envergure, une trame particulièrement insipide et 150 minutes à la fin desquelles je me demande où est le génie de ce film. Ma réponse est sans appel : absolument nulle part. La photographie aurait pu sauver quelque chose, mais non. Là aussi c'est choux blanc. Les "effets spéciaux" sont effectivement très spéciaux. Leurs tribulations auraient pu les faire rencontrer des locaux récalcitrants voire belliqueux, mais non. Leurs tribulations auraient pu les faire rencontrer des dangers autrement plus saisissants, mais non. Dans le "salaire de la peur", y a le mot "peur". Je n'ai pour ainsi dire jamais vu dans les attitudes, regards ou réactions des personnages, aucune forme de peur, d'angoisse ou de panique. Le titre d'un film doit être la vitrine de son contenu, sa puissance et la ligne directrice.
Si je devais traverser des terres hostiles, cabossées, avec le cagnard en plus, avec un camtar tout pourri et SURTOUT 900kg de nitro, oui je me chierais dessus à chaque seconde. Chez eux non, on ne sent pas cette urgence, ce côté TRES problématique de ce qu'ils sont en train d'acheminer. On ne sent pas ce fameux côté "dramatique" de la situation. Ils sont conscients des enjeux certes, mais leurs postures feraient passer la nitro pour une cargaison de biscuits.
En somme, "Le salaire de la peur" est un film méchamment surcoté, et qui selon moi, n'a nullement sa place en haut de l'affiche des chefs-d'œuvre.
Loin, très loin de là.