Chef-d’œuvre magnétique, il paraît. Ou merveille creuse. Jean-Pierre Melville (L'Armée des Ombres, Le Cercle Rouge) avait décrit son film comme « la peinture d'un schizophrène par un paranoïaque ».
Dans cette histoire de tueur à gages avec Alain Delon dans le rôle-titre, scénario et dialogues sont minimaliste, à la faveur d'un travail plutôt sensoriel. L'ambition est surtout formelle, le travail technique remarquable, l'ensemble bercé dans une lumière gris-bleu (photo de Henri Decae). Cette mise en scène brillante se met au service d'un théâtre filmé. Les bruitages sont mis en exergue et l'ensemble se veut au plus près de la condition des personnages. Malheureusement cette proximité ne nous rend que plus hagard et en lien direct avec la vacuité du métrage. Il est aussi élégant et policé que parfaitement vain. Les belles séquences s'ajoutent mais le puzzle n'a pas plus de sens que d'intensité. En revanche, on peut y voir la fabrication raffinée et aboutie d'une iconographie typiquement masculine.
En dépit des réserves, Le Samouraï est un film visionnaire, sorte de polar à la Coppola qui inspirera notamment JohnWoo, ainsi que Jim Jarmusch (pour Ghost Dog). Le film a été extrêmement cité et Nicolas Winding Refn en fait l'ancêtre direct de son Drive, d'ailleurs la propension du cinéaste danois à mettre en scène des héros mutique dans une enveloppe à la fois très réaliste et ultra-stylisée donne, en tout cas avec Drive mais aussi Only God, des impressions comparables à celles éprouvées devant Le Samouraï.