Le scénario du "Schpountz" évoque les tribulations d'un jeune homme destiné à finir dans l'épicerie de son oncle qui l'a recueilli à la mort de son père, parti à l'aventure. Seulement, le jeune homme rêve de devenir acteur de cinéma. Il prend contact avec une équipe de tournage de passage dans son village. Cette dernière va imaginer lui jouer un bon tour en lui proposant un contrat bidon.
Pagnol s'est inspiré d'une histoire vraie survenue lors du tournage d'Angèle où, pareillement, un jeune homme s'était vu offrir un faux contrat. Le film "le Schpountz" fut tourné en même temps que "Regain" par la même équipe qui avait déjà tourné "Angèle" quatre ans plus tôt et qui avait fait cette blague cruelle, offrant ainsi une splendide mise en abîme, dont on ne se rend évidemment pas compte quand on regarde le film.
C'est, bien entendu, Fernandel qui endosse la défroque de ce Schpountz, ridicule au début, humilié ensuite avant de décrocher la célébrité dans un genre qui n'est pas celui dont il rêvait : un acteur comique, un clown en somme.
Ce film est ainsi une véritable réflexion sur le cinéma comique et sa place dans la société.
"Alors, pourquoi (Chaplin) s'abaisse-t-il pour faire rire (en recevant un coup de pied au cul) ?"
La tirade d'Orane Demazis à Fernandel pour le convaincre que c'est le public qui sera le seul juge du véritable talent d'un artiste est tout-à-fait admirable. Elle (Pagnol !) exprime le rôle social de l'acteur comique à l'instar de Molière ou de Chaplin et l'importance du rire dans le fonctionnement de l'homme.
"Quand on fait rire sur la scène ou sur l’écran, on ne s’abaisse pas, bien au contraire. Faire rire ceux qui rentrent des champs, avec leurs grandes mains tellement dures qu’ils ne peuvent plus les fermer, ceux qui sortent des bureaux avec leurs petites poitrines qui ne savent plus le goût de l’air, ceux qui reviennent de l’usine, la tête basse, les ongles cassés, avec de l’huile noire dans les coupures de leurs doigts…
Faire rire tous ceux qui mourront, (…) faire rire tous ceux qui ont perdu leur mère, ou qui la perdront…
Celui qui sait faire rire celui qui a toutes les raisons de pleurer, celui qui fait oublier un instant l'inquiétude, les petites misères, c'est celui qui redonne de la force pour vivre et on l'aime comme un bienfaiteur.
Le rire n'existe pas dans la nature, les bêtes ne rient pas, les arbres ne rient pas, les montagnes n'ont jamais ri, les hommes seuls (…) rient.
Le rire n’est pas une espèce de convulsion absurde et vulgaire mais une chose humaine que Dieu a, peut-être, donnée aux hommes pour les consoler d’être intelligents. »
Pagnol fait parcourir aux acteurs du Schpountz, les différentes facettes du comique : celui de Charpin, très bon dans le rôle de l'épicier pragmatique, prêt à tout pour vendre y compris l'invendable, qui juge son neveu non comme "un bon à rien" mais plutôt comme "un mauvais à tout". Celui, collectif, de l'équipe de tournage qui est cruel et celui plus subtil, de Fernandel qui allie émotion et rire comme par exemple la scène dans le bureau du producteur où il fanfaronne mais en fait n'en mène pas large entre la monteuse avisée (Orane Demazis) et le producteur sympa mais roublard (Leon Bélières).
Orane Demazis est ici la voix de Pagnol (même s'ils vont se séparer après ce film). Elle est la voix de Pagnol pour exprimer que le cinéma doit être "ouvert" pour favoriser l'avènement de talents quelle que soit leur origine et non sujet de cooptation.
Au final, ce film de Marcel Pagnol est excellent, beaucoup plus profond que les toutes premières scènes, qui tendent au burlesque, laissent supposer et constitue une admirable réflexion sur le cinéma comique.