Avant-dernier film de Fassbinder, Le Secret de Veronika Voss conclu magistralement la trilogie allemande du réalisateur. Encore une fois, le personnage central est une femme, ici Veronika Voss, actrice déchue et vieillissante manipulée par son docteur qui souhaite hériter de ses biens. La relation trouble entre Veronika et le docteur Katz permet à Fassbinder d’aborder un thème important de son œuvre, la relation dominant/dominé.
Mais pas seulement car l’autre grand thème du film est l’addiction. Addiction physique de Veronika qui ne peut se passer de sa morphine. Addiction de Robert amoureux de Veronika et qui ne peut se passer d’elle. Addiction de Veronika à cette célébrité passée qu’elle ne cesse de rechercher. Ce dernier point n’est d’ailleurs pas sans rappeler Boulevard du crépuscule, avec sa star déchue vivant dans l’illusion d’une célébrité toujours intacte. Le rêve de Veronika en pleine overdose posséde d'ailleurs de nombreux points communs avec la scène finale du film de Wilder, ou Gloria Swanson descendait magistralement l’escalier sous les feux des projecteurs de police qu’elle prenait pour des projecteurs de cinéma. De même, Veronika s’imagine en haut des marches, répondant aux questions d’un journaliste sur sa future carrière hollywoodienne.
Tout cela fait de Veronika un personnage pitoyable, édulcorant par la même occasion son côté sulfureux. Sa collaboration passée avec les nazis, sa période de gloire à la UFA et sa liaison avec Goebbels sont évoqués mais paraissent bien faibles pour contrebalancer la pitié que nous inspire sa condition de morphinomane, sa dépendance au docteur Katz et son désir de revenir sur le devant de la scène (dans une scène déchirante ou, à défaut de jouer l’héroïne, elle supplie qu’on lui donne le rôle de la mère).
Fassbinder évite pourtant tout pathos en partie grâce à la grande froideur émotionnelle et formelle du film. Émotionnelle car aucun personnage n’est vraiment sympathique, aucune effusion mais des émotions retenues… Et formelle par l’utilisation d’un magnifique noir et blanc, dont l’usage est d’ailleurs original et intéressant puisqu’il renverse les codes, le blanc se faisant menaçant et le noir rassurant. Ici, le blanc révèle et met en avant la noirceur et les névroses des personnages. L’exemple le plus frappant est bien sûr l’appartement du docteur Katz, d’un blanc immaculé et sur lequel tranchent les silhouettes toutes de noir vêtues. Quand au noir, il se révèle protecteur dans cette façon qu’il a d’envelopper les personnages, notamment Veronika qui préfère l’obscurité à la lumière.
Définitivement un des meilleurs Fassbinder.