La réinvention du mythe de Barbe-Bleue
Le secret derrière la porte est pour moi un des films les plus réussis de la période américaine de Fritz Lang. Je l'ai découvert complètement par hasard et depuis il n'a jamais vraiment cessé de hanté mon imaginaire.
L'utilisation de la voix-off, qui est un procédé un peu artificiel habituellement, happe dès le début le spectateur grâce au ton comateux de Joan Bennett et à son discours légèrement incohérent. La photographie et le noir et blanc accentuent encore plus cette ambiance de cauchemar éveillé.
Un des thèmes les plus fascinant de ce film, outre l'éternelle fascination pour ce qui nous est interdit, est l'idée de l'influence psychologique de l'architecture sur l'inconscient. Une idée que je n'ai jamais vue ailleurs. L'architecte dont s'éprend l'héroïne, collectionne chez lui sept chambres dans lesquelles ont eu lieu des meurtres. Il refuse cependant de montrer la dernière d'entre elles à sa jeune seconde épouse attisant ainsi son envie de savoir ce qu'il y a derrière.
Le mythe de Barbe-Bleue, en filigrane, est réinterprété de façon originale car finalement se ne sont plus des pulsions meurtrières/sexuelles particulières à l'agresseur qui poussent au crime, mais bien l'agencement de certaines pièces qui dégagent des vibrations maléfiques.
On peut dire que d'une certaine façon, Le secret derrière la porte est l'équivalent dans la filmographie de Fritz Lang de ce qu'est Rebecca pour Hitchcock sans toutefois le succès commercial : même thème du mari aveuglé par la culpabilité, de celui du manoir encombré du souvenir de l'autre femme, la première, même figure de la gouvernante tyrannique, de la soeur qui en dit trop...
Un bijou du film noir, malheureusement trop méconnu.