Secret Beyond the Door dispose d’une telle puissance de mise en scène que nous lui pardonnons volontiers les quelques lourdeurs relatives à sa démonstration psychanalytique qui prolonge la thématique chère au cinéaste, à savoir la relation qu’entretient l’homme avec le crime. Ellipses, sommaires, pauses, tous ces procédés sont utilisés de manière remarquable et construisent un récit épuré de toute longueur superflue ; n’est conservé que ce qui sert ou servira l’intrigue. La réalisation de Fritz Lang est essentielle en ce qu’elle mêle par une recherche formelle constante le réel et l’imaginaire, le réfléchi et le pulsionnel, la lumière et la pénombre. Tous les personnages revendiquent une opacité aussi passionnante qu’inquiétante, de Celia et ses remariages successifs à Mark et sa mystérieuse chambre 7, en passant par les autres résidents du domaine des Lamphere, au nom lourd de sens.
Le cinéaste pense son long métrage comme un emboîtement perpétuel du rêve et de la réalité, une superposition de projections et de fantasmes donnant lieu à une perte de repères qui va crescendo pour un spectateur projeté dans un microcosme dont il peine à comprendre le mode de fonctionnement et les rapports qu’entretiennent les personnages. La duplicité est constitutive de la démarche poursuivie par Lang, soit révéler la nature double de chaque être vivant, tiraillé entre le bien et le mal, l’amour et le meurtre. « Nul homme n’est responsable de son inconscient », affirme Mark à son épouse ; aussi le film cultive-t-il le double, du miroir renvoyant à Celia son image aux nombreuses portes séparant le connu de l’inconnu, le visible de l’invisible. La maison de famille se mue rapidement en cartographie mentale : l’escalier traduit la montée vers l’opaque, le couloir le fractionnement identitaire comme une collection de vignettes sur une même page, la chambre cet espace nuptial et spéculaire, l’étymon latin cubiculum signifiant également la loge de théâtre, lieu où l’on regarde (et où l’on se regarde). Mais, pour une fois, Lang sauve in extremis ses personnages en détruisant ladite chambre noire et le refoulé qu’elle contenait, offrant ainsi à son couple principal un avenir lumineux.
Secret Beyond the Door est une œuvre intelligente et passionnante qui atteste, s’il fallait encore le prouver, le génie de son cinéaste.