Près de dix ans après la mort de Ted Kennedy, sort enfin un film relatant les événements de Chappaquiddick, survenus en 1969, un fait divers à côté duquel le cinéma contemporain ne pouvait pas passer, avide de reconstitutions historiques et de récits "based on a true story".
Comparé aux autres tragédies ayant touché la famille Kennedy, l'accident survenu à Chappaquiddick est assez peu connu en dehors des Etats-Unis, et j'en dirais donc le moins possible sur les faits, histoire de laisser au public la possibilité de découvrir cette histoire vierge de toute information préalable.
Signalons simplement qu'un an après l'assassinat de Bobby (et 6 après celui de Jack), Ted Kennedy se prépare lui aussi à affronter une campagne présidentielle, même si le benjamin de la fratrie est aussi le moins renommé et le moins brillant.
Lors d'un week-end estival dans le Massachussets, une fête est organisée en l'honneur des petites mains de la campagne de Bobby, dans l'idée de les convaincre de rempiler en faveur de Ted. Parmi celles-ci figure Mary Jo Kopechne, brillante secrétaire de campagne qui semble réticente à l'idée de s'investir à nouveau, et que Ted raccompagne en voiture ce soir-là. La tragédie est en marche…
La reconstitution de ces évènements par le réalisateur John Curran s'avère très classique, mais d'une sobriété et d'une élégance remarquable, restituant parfaitement la majesté du décor patricien de la Nouvelle-Angleterre, à l'image de l'île de Martha's Vinyard, résidence d'été de la bonne société américaine.
Surtout, la construction du scénario met bien en évidence les enjeux du film, sur le déroulé des faits proprement dits d'abord, puis sur les conséquences politiques pour Ted Kennedy. De sorte qu'on ne s'ennuie pas un instant, malgré le rythme assez lent et l'atmosphère intimiste mise en place par Curran.
Jason Clarke est pour beaucoup dans la réussite de "Chappaquiddick" : l'acteur australien incarne parfaitement les traits et la personnalité de Ted Kennedy, avec un minimum de maquillage, c'en est troublant. Clarke est bien secondé par Ed Elms dans le rôle de son cousin et âme damnée Joe Gargan, par Kate Mara sous les traits de Mary Jo, et par un incroyable Bruce Dern dans la peau du terrifiant Joe Kennedy, invalide et hémiplégique, qui décèdera d'ailleurs 4 mois plus tard.
Le film ne se gêne pas pour égratigner le mythe Kennedy, nous présentant un Joe machiavélique et un Ted lâche et velléitaire, ce qui est la moindre des choses, mais ce qui apparaît un peu facile pour une oeuvre sortie si tardivement.
On pourra également reprocher à John Curran de romancer outrageusement certains aspects - je doute par exemple que Joe Gargan ait tenu de ses propres mains les pages du discours lors de l'allocution télévisée finale, mais ceci reste un péché véniel.
A l'arrivée, "Chappaquiddick" s'avère une jolie réussite, éclairage tardif mais indispensable sur ce fait divers fascinant, qui méritait incontestablement une reconstitution sur grand écran.