Le Seigneur des Anneaux en version cinéma, c'était déjà une immersion dans le monde merveilleux de Tolkien, chatoyant et sombre à la fois.
Un univers fouillé, même si en cela le réalisateur bénéficiait d'un allié de choix par livre interposé, un affrontement somme toute très manichéen mais porteur de symboles forts.
Le tout appuyé par un casting solide et des effets spéciaux à couper le souffle (a fortiori à l'époque, mais je considère également que cela a -pour l'instant- bien vieilli).
Dans la version longue, à laquelle je m'attacherai ici, on gomme quelques flous qui rendaient l'enchaînement de certaines scènes un peu hasardeux, on étoffe quelque peu des sujets annexes qui le méritaient, et on élucide quelques éléments de l'intrigue qui auraient pu paraître sortis du chapeau pour ceux qui avaient vu la version cinéma sans pour autant avoir lu les romans.
Dans ce premier opus donc, l'approche est assez didactique. En l'absence de prologue proprement dit, on notera une introduction très similaire au livre, portant sur les personnages relativement centraux de l'histoire : les hobbits.
Un prétexte à une promenade champêtre, un moment idéal pour prendre la position la plus confortable dans le fauteuil du cinéma ou le canapé du salon.
Assez rapidement, nous sommes plongés dans une ambiance beaucoup moins sereine et un cadre moins bucolique.
En un crescendo qui prendra sa pleine mesure au fil des 3 films, l'action est souvent haletante, sans pour autant devenir énervante par trop de précipitation ou lassante par sa constance.
Bref si l'on peut concéder certaines longueurs à l'oeuvre écrite, Peter Jackson aura ici su faire preuve de discernement, par exemple en amputant tout un passage -Tom Bombadil pour les connaisseurs- au profit du rythme.
Les puristes hurleront au scandale, pour ma part et même si je ne partage pas tous les choix effectués par le réalisateur, j'applaudis des deux mains et du reste la qualité globale de l'adaptation.
Comprenons-nous bien, il est essentiel de rester fidèle à l'esprit de l'auteur, du moins si l'on souhaite qualifier un film d'adaptation (spéciale dédicace à "l'adaptation" des Fils de l'Homme ou de H2G2, tellement éloignés du livre qu'on en pleurerait).
Ou alors, on est dans le "librement adapté de", phrase qui m'a toujours fait (sou)rire.
Néanmoins certains éléments, pour parfaitement compréhensibles et digestes en littérature qu'ils soient, peuvent rapidement devenir insipides voire franchement rébarbatifs à l'écran.
Je prendrai le cas Harry Potter pour témoin.
Au fur et à mesure de la sortie des romans, on se rend de plus en plus compte que l'écriture de J.K.Rowling évolue, à tel point que dans les deniers opus, il devient évident que certaines scènes sont écrites avec à l'esprit la façon dont elles seront adaptées pour les films.
Cela ne nuit pas à la qualité générale (à mon sens tout du moins), mais je ne sais pas quoi penser d'un auteur de roman qui se sent l'obligation d'anticiper l'adaptation de son oeuvre.
Certes la frontière s'estompe entre ce que l'on lit et ce que l'on voit, mais est-ce souhaitable ?
Fin de la digression.
Tout cela pour dire que Peter Jackson s'est comporté en vrai fan de Tolkien qu'il est, respectueux des éléments primordiaux du livre dont il s'inspire tout en gardant l'intérêt de son film en tête.
Rien que pour cela, il mérite le respect.
Et puis, et puis...
Le dosage subtil d'émotion et d'action, l'omniprésence discrète des effets spéciaux, le glissement d'un monde chatoyant vers le grisâtre, la psychologie des personnages (davantage développée dans la version longue, soit dit en passant).
L'action, la réflexion, le rêve et le merveilleux.
L'évasion intelligente.
Tout ce que le cinéma devrait apporter à un spectateur.
D'accord si l'on veut schématiser, Peter Jackson a seulement habillé un texte déjà somptueux à la base.
Mais il l'a fait à la quasi-perfection.
Et ça, peu de réalisateurs peuvent s'en réclamer.