Pari extrêmement risqué que de tourner les trois épisodes d'une trilogie simultanément et de les sortir à un an d'intervalle. Car en cas d'échec du premier opus, la sortie des deux suivants se voit fortement contrariée, amenant une post-production moins soignée, une perte conséquente d'argent et peut-être même une sortie directe en vidéo. Coup de chance (ou coup de génie), "La communauté de l'anneau" sera un immense succès, provoquant une immense attente autour des autres films.
Segment ingrat car servant avant tout de liaison entre deux volets, "Les deux tours" se sort avec les honneurs de cette contrainte, Peter Jackson, Philippa Boyens et Fran Walsh ayant la bonne idée de bousculer la chronologie des évènements décrits par Tolkien, incluant certaines péripéties devant survenir avant ou plus tard, et inversement, réservant d'autres scènes clé pour l'opus suivant.
Excepté quelques éléments (la bataille des Ents en premier lieu), "Les deux tours" prend ses distances avec l'aspect merveilleux de "La communauté de l'anneau", donnant certes lieu à de purs moments de fantasy (la chute du Balrog), mais préférant une approche plus rude, plus sombre, plus guerrière, culminant lors de la bataille du Gouffre de Helm, gros morceau de cinéma absolument grandiose permettant à Jackson de faire valser les têtes et les intestins comme à la grande époque de "Braindead", même si j'exagère un chouilla.
Au casting principal déjà excellent (même si Orlando Bloom galère encore, là où Elijah Wood devient enfin intéressant), vient se greffer Miranda Otto, Bernard Hill, Brad Dourif, David Wenham ou encore Karl Urban. Mais c'est surtout l'inconnu Andy Serkis qui étonne, prêtant sa gestuelle et son jeu intense à un Gollum certes numérique mais désormais inoubliable. On pourra cependant regretter la présence peu utile de certains personnages uniquement là dans le but d'inscrire le nom de leur interprète au générique (n'est-ce pas Arwen, Elrond et Galadriel ?), tout comme un Gimli transformé en ressort comique franchement gonflant.
Bien que souffrant d'un rythme en dent de scie (on a parfois l'impression de zapper entre plusieurs films) et d'incrustations numériques obsolètes, "Les deux tours" est un spectacle noble et total, épique et mis en scène avec virtuosité, traversé d'un lyrisme certain et qui fait un bien fou, totalement dénué du moindre cynisme.