On franchit un nouveau cap avec ce second volet plein d’espoirs. Peter Jackson ne change en rien sa démarche de blockbuster, ce qui rend la lecture intentionnellement explicite. Et cela perdurera jusqu’au dénouement en vue pour l’année suivante. Ce que retient donc notre attention ici est un détachement plus ou moins radical de la mythologie afin de développer la psychologie chez les héros. Suite à leur brusque séparation, il n’est pas surprenant d’alterner l’avancée de chaque groupe vers l’objectif initiale : détruire l’Unique afin de rétablir l’ordre et la paix en Terre du Milieu. Inutile de revenir sur la qualité esthétique et de mise en scène qui sont parfaitement raccord avec La Communauté de l’Anneau. Optons pour une étude plus poussée sur ce que l’intrigue renferme.
Nous retrouvons alors Frodon et Sam, avançant dans leur croisade. Le rapport évident et privilégié n’est autre que dominant, en faveur du porteur de l’anneau, et dominé. On pouvait déjà noter cette remarque qui semblait alors strictement « professionnel » dans le premier opus entre les deux hobbits. Or l’introduction, cette fois-ci distincte, de Gollum /Sméagol suscite plus d’intérêt. En effet, sa vie et sa motivation sont liées à l’Unique. Alors que sa personnalité troublante et fourbe le rend mystérieux, il est sans nul doute le protagoniste le plus apte à comprendre ce qu’endure Frodon. Il mène également une double narration sur la parcours des héros et fait le point sur sa situation ambiguë. Nous avons énormément insisté sur le fait que l’Unique déclenche une vague de haine, et que son porteur voit peu à peu son cœur s’assombrir vers cette même destinée. Ils s’affrontent alors sincèrement, sans toutefois oublier la véritable nature de leur mission. Sam étant présent pour de la figuration, jusqu’à sa soudaine ascension comme esprit maternel qui couve Frodon et le revoit sur la bonne conduite à suivre.
De plus, on peut aisément tirer une leçon écologiste, où la Nature aurait toujours le dernier mot. On avance ce constat par l’intermédiaire de Merry et Pippin, les deux autres hobbits de la communauté. Précédemment, nous nous sommes arrêtés à l’image caricaturale de leur espèce. Il s’agissait d’enfants, pleine de vie mais insouciant de ce que proposait le monde extérieur à leur coutume. Dorénavant, ils adoptent, tout comme le second groupe vers le Mordor, une touche de maturité et de sagesse dans leur escapade. On a pris un ton enfantin et amusant, rimant avec l’aventure et le courage. Ils ont alors hérité de la morale nécessaire afin de poursuivre la lutte, mettant en avant des arguments honorables.
Et tout le long du périple, certains sont obligés de s’engager dans de grandes batailles contre la puissante alliance des « Deux Tours ». Celle du gouffre de Helm connote alors tant bien le climax attendu qu’une vision toute aussi religieuse. Gandalf prête de nouveau ses traits au miracle divin, tel Jesus Christ, purificateur et messager de la foi. Aragorn, Legolas et Gimli sont en quelque sorte ses disciples qui prouveront essentiellement leur valeur à bout de rudes affrontements. Et au milieu du carnage, les femmes répondant aux noms d’Arwen et Eowyn laissent entendre un soupçon de romance peu ficelée. Ce qui aère nettement le récit, lourdement chargé en terres et personnages inconnus.
Mais revenons à cette bataille épique et lyrique, car oui la bravoure et la royauté interviennent. Théoden voit la reconquête de son trône qu’au dénouement du débat musclé. Mais avant cela, les ténèbres qu’il affronte est aussi un signe que la révolution est à double sens. Homme et Orques souhaitent s’affranchir du second, sauf que le premier tient des propos moins radicaux et proches des valeurs que nous partageons quotidiennement. Et c’est là qu’est la réelle magie de l’univers, outre l’aspect visuel reflétant le fantastique de Tolkien, nous sommes en mesure d’ouvrir plusieurs interprétations.
« Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours » élargit ainsi son univers, consolidant l’enjeu initial par d’autres, qui se veulent plus stratégiques. On participe à une mise en place assez longue et lente en premier lieu avant de se lancer dans un rouleau compresseur à action. On développe alors la bonne morale tenue par l’écrivain, malgré certains aspects qui aurait mérité d’être étoffé plutôt que d’être sauvagement sacrifié par l’engouement du dénouement.