Bien entendu, il faut à tout prix éviter de comparer ce que l'on ressent devant les trois (parfois un tantinet fastidieuses) heures et demi de la version longue du film de Peter Jackson, avec le souvenir absolument enchanté de la lecture des "Deux Tours" de Tolkien, soit la meilleure partie du "Seigneur des Anneaux". Car on risquerait alors d'avoir à admettre qu'il y a un gouffre (de Helm...) qui sépare les deux… avant de convenir, dans un sursaut d'honnêteté, qu'il ne s'agit là de rien d'autre que le gouffre que l'on constate à chaque adaptation d'un livre "important" : entre la force de notre imagination et la trivialité des images, même boostées par les effets spéciaux contemporains, il n'y a tout simplement pas photo !
Alors, ne pointons plus, comme nous l'avions fait à la sortie du film, l'échec de l'approche de Peter Jackson, sans doute trop fidèle à son matériau de base pour laisser de purs moments de cinéma advenir, trop préoccupé par les défis techniques à relever. Réjouissons-nous plutôt de la superbe démesure de nombre de grandes scènes titanesques - la bataille du gouffre de Helm, le déferlement des Ents sur Isengard -, de l'émotion parfois bouleversante qui naît des multiples drames humains causés par la guerre et ses horreurs, de la complexité de personnages qui gardent suffisamment de la richesse du livre pour échapper aux stéréotypes. Admirons la remarquable interprétation de Gollum par un Andy Serkis qui semble transcender son personnage digital. Et n'oublions surtout jamais que Tolkien, lorsqu'il célébrait dans son livre l'humble résilience et la bravoure obstinée des petites gens emportés dans la tourmente d'une guerre mondiale contre les forces du Mal, rendait son œuvre inestimable dans le contexte de la lutte contre le nazisme et le fascisme : le véritable héros du "Seigneur des Anneaux" est Sam Gamegie - excellent Sean Astin - et Peter Jackson l'a bien compris.
[Critique réécrite en 2020, suite à un nouveau visionnage du film - le cinquième depuis 2002 et le second en version longue, supérieure à la version sortie originellement en salles - en compagnie de ma fille la plus jeune, qui découvre la magie de l'univers tolkienien...]