Un an après Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l’anneau, Peter Jackson revient avec le second opus de sa trilogie, Les Deux Tours. Débutant avec une communauté dissoute et un péril grandissant, il se présente comme un opus plus sombre et en proie à l’emprise des ténèbres qui s’élèvent d’Isengard et du Mordor. Alors que La Communauté de l’anneau nous familiarisait avec cet univers et avec les protagonistes de cette mission périlleuse, Les Deux Tours vient lui apporter de la profondeur et appuyer des éléments traités par le premier film.
Ce qui distingue principalement Les Deux Tours de son prédécesseur, c’est sa structure scénaristique. Le premier film réunissait divers personnages, avançant ensemble dans leur quête, dans un récit uni et suivant un chemin précis. Les Deux Tours se façonne sur les divers embranchements pris par les personnages, séparés par les événements qui concluent le premier film. Ce second film se base donc sur un montage alterné nous faisant suivre, progressivement, l’avancée de chacun, le tout, dans un contexte plus large. Un travail difficile car cet aspect de film choral pourrait vite le faire tourner à la cacophonie. Bien entendu, la maîtrise de Peter Jackson permet d’éviter ce gros écueil, en construisant cette intrigue morcelée où chacun poursuit ses objectifs, mais où l’on comprend que les actes de chaque partie a des conséquences tant sur ses pairs, que sur les événements dans leur globalité. Le film se construit ainsi comme un échiquier, où les pièces avancent, comparaison énoncée par Gandalf lui-même dans le film suivant.
Là où Les Deux Tours s’avère également très intéressant, c’est dans son traitement du pouvoir de l’Anneau et de son effet sur ses porteurs et sur ceux qui l’approchent. Dans La Communauté de l’anneau, c’était surtout un objet de pouvoir, menaçant par sa capacité à corrompre les esprits et à être purement maléfique, rongeant ceux qui se soumettent à lui. Ici, de nouvelles clés de réflexion, déjà développées notamment à travers le personnage de Bilbon dans le premier film, se dévoilent davantage, notamment grâce à l’arrivée du personnage de Gollum, très peu présent dans le premier, mais au rôle bien plus important ici. Souffrant d’un dédoublement de la personnalité manifeste, il est sans cesse pris entre sa facette « Sméagol », faible, fragile, mais innocente, et sa facette « Gollum », plus perfide et machiavélique. A travers Gollum transparaît l’aspect très freudien du mal créé par l’Anneau, qui réveille en chacun ses instincts les plus primitifs, maléfiques et incontrôlables, qui finissent par supplanter la facette plus raisonnée de notre conscience.
Le « ça », comme le définissait Freud, facette de la conscience renfermant nos pulsions, voit son emprise sur la conscience amplifiée en présence de l’Anneau, comme en témoigne son effet sur Frodon ou sur Faramir, deux personnages aux fragilités manifestes, mais changeant radicalement d’attitude lorsque l’Anneau, objet de désirs et de passions, se réveille. Gollum, rongé durant des siècles par l’Anneau, est la représentation vivante de la confrontation entre les différentes partie de notre conscience, dans une lutte destructrice entre le « ça » et le « moi », tels que Freud les caractérisait. Cette lutte est d’ailleurs représentée à une échelle plus large, avec l’opposition entre les forces du Bien et du Mal. Les Deux Tours nous fait d’ailleurs découvrir une nouvelle province de la Terre du Milieu, le Rohan, terre de cavaliers et de chevalerie, nourrissant encore plus le côté mythologique du film, aux influences très celtiques, suivant la démarche de Tolkien de créer une véritable mythologie britannique à travers ses récits.
Les Deux Tours est un film très guerrier, se concluant par ailleurs par une bataille dantesque, magnifiquement mise en scène. Tout au long du film, la pression monte, en attendant ce final épique. Comme d’habitude, la photographie du film rend hommage aux superbes décors néo-zélandais et alimente la magie du film. Quelques passages, comme la pluie qui se met progressivement à tomber sur les armures au début de la bataille du Gouffre de Helm, ou la marche des Ents, garantissent leurs moments de frisson. Il est toujours difficile de réaliser un film sans réel début ni fin, devant faire le pont entre deux films, mais Les Deux Tours est une nouvelle démonstration et ne fait que faire grimper l’enthousiasme et l’attente face à l’arrivée du dernier film.