C'est une expérience radicale que propose Haneke, tant sur la forme que sur le fond.

Le film est composé quasiment exclusivement de plans fixes extrêmement froids, dénués de toute émotion. On suit le quotidien redondant d'une famille de classe moyenne/supérieure. Haneke s'attache à montrer des scènes très ordinaires dans lesquelles tout est volontairement terne et laid, les couleurs sont fades, et on ne tarde pas à ressentir un peu d'ennui devant l'accomplissement morne de ce rituel.
Mais c'est tout à fait normal et c'est même voulu par le cinéaste allemand qui esquisse une vision ultra pessimiste de la modernité et de l'organisation des sociétés capitalistes, la dévitalisation que cela engendre.
La narration est quasiment absente pour renforcer la dimension absurde du film. Elle n'intervient que ponctuellement par l'intermédiaire de lettres que la famille rédige à l'intention des grands-parents.
Au bout d'un moment, le film parvient à faire de la longueur et de la monotonie de certains plans un atout et on apprend presque à redecouvrir le cinéma. Un cinema qui serait certes très lent et pas bien joyeux, mais pas inintéressant. On se surprend soudainement à scruter les moindres détails à l'écran, les plans fixes aidant particulièrement.

Puis, une absurdité en appelant une autre, la famille décide de partir en Australie. Un pays un peu particulier où la monotonie fait place à la jouissance. Destruction totale de tous les objets bien ordonnés de cette vie de merde, face à laquelle on ne peut s'empêcher de ressentir un certain plaisir.

Cependant, au chaos succède toujours un temps d'accalmie, où l'on constate l'ampleur dégats, et désormais l'impossible retour en arrière. Il faut alors en finir en récitant quelques paroles saintes tout aussi vides de sens que le quotidien matériel qui nous a menés jusque là.

Hypno5e
8
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le 14 mars 2023

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Hypno5e

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