Le Septième juré est encore à classer parmi les débuts de Lautner qui le tourne entre deux Monocles, deux ans avant Les Tontons Flingueurs. Si on reconnait déjà le goût du réalisateur pour les vieilles trognes débitant des répliques assaisonnées et un sens du cadrage qui lui est propre, nulle trace ici des débordements parodiques qui feront sa notoriété mais plus une acidité désabusée qui donne au film tout son charme.
C'est l'histoire de Bernard Blier, pharmacien de première classe (je ne savais pas que ça existait) à Pontarlier qui a une pulsion tragique en croisant un dimanche après-midi au bord du lac la jolie jeune fille libérée qui fait les gorges chaudes des commères de la petite ville prendre un bain de soleil à demi-nue...
Bernard c'est le brave notable de province dans toute sa médiocrité, la femme et la paire d'enfants, le bridge tous les soirs depuis dix-huit ans avec le commissaire, le juge et le véto, les mêmes conversations moisies jour après jour et cette affaire qui cristallise violemment toute la fausseté de l'ensemble est prétexte à un de ces portraits au vitriol que Chabrol essaiera vainement de composer sa carrière durant...
La photographie est aux petits oignons, les acteurs aussi, Blier a rarement eu un rôle de cette ampleur, Francis Blanche était bien plus drôle avant de se complaire dans les bouffons dégénérés et Maurice Biraud est aussi touchant que délicieux en cynique triste.
Le film recèle de vrais petits bonheurs de construction qu'il ne faudrait pas dévoiler ici et donne même envie de fouiller dans les oeuvres de Francis Didelot, l'auteur d'origine, parce qu'une force de ton pareille, savoureusement appuyée par les dialogues de Pierre Laroche, ça ne se rencontre pas si souvent au coin d'un bois.