Coupable à l'insu de son plein gré.
Dans sa biographie, "On aura tout vu", Georges Lautner plaçait ce film parmi son préféré de sa carrière, car il le jugeait le plus humain. Et c'est ce qui ressort de cette grande réussite, où Bernard Blier y trouva sans nul doute un de ses grands rôles.
Dès le début, le ton est donné. Sur la base d'une pulsion sexuelle, un pharmacien sans histoires va étrangler une jeune femme faisant bronzette seins nus isolée près d'un lac, afin qu'elle ne crie pas. Pris de remords, il va être stupéfait de savoir ... qu'une autre personne, totalement étrangère à ce drame, va être condamnée pour ce fait-là.
La coïncidence veut que ce pharmacien va être un des jurés de ce procès, et va tenter de sauver cet homme de son propre crime !
Kafkaien en diable, le scénario est brillant, car le procès n'occupe qu'une partie du film, mais va interroger sans cesse l'humanité de cet homme, magnifiquement joué par Bernard Blier, d'une grande sobriété. Humain, il l'est sans doute ; il a une femme, des enfants, sa vie était somme toute banale avant ce drame. Mais celui-ci va être rongé par le remords de laisser quelqu'un d'autre être jugé à sa place, et se place même comme LE coupable, alors que personne ne le croit.
C'est aussi un film qui renvoie un peu au "qu'en dira-t-on", car la petite ville (Pontarlier) agit comme un microcosme et à la volonté de condamner entre guillemets un étranger à la place des siens afin de ne pas susciter de vagues au sein de ses propres habitants.
Outre Blier, il ne faut surtout pas oublier Danielle Delorme, qui joue son épouse, et dont le rôle est bien plus important qu'on ne le croit. C'est une femme rangée, vivant dans la petite bourgeoisie, et dont son influence souterraine n'en est que plus important. Jacques Riberolles, dans le rôle du suspect principal, est aussi très bon, car on le voit plonger progressivement plonger dans une folie paranoïaque, qui conduira au drame et sur une conclusion assez surprenante.
D'une certaine façon, voir ce film (et l'avoir beaucoup aimé) est mon hommage à Georges Lautner, disparu peu de temps après ma critique. Je n'étais pas un fou de toute sa filmographie, mais j'avoue qu'avec Le septième juré, j'ai été très impressionné, à la fois par cet univers très sombre, assez radical sur la forme (quasiment aucune bande originale), et mine de rien, techniquement irréprochable (la lumière de Maurice Fellous ajoute à ce côté noir). Avec une interprétation grandiose qui sert une histoire qui l'est tout autant.