"Le Septième Juré" est une longue réflexion sur la notion de culpabilité. Cette notion de culpabilité est abordée de deux façons.
La première concerne l'assassin qui doit vivre avec son forfait, indépendamment du fait d'être "pris" ou non dans l'engrenage de la Justice. Peut-on dormir tranquillement ? Comment regarde-t-on son épouse ou ses enfants ? Que faire si quelqu'un est condamné à ma place ?
La deuxième évoque ou analyse comment la Justice s'arrange avec la vérité et avec le "présumé coupable" ou "le mis en examen". Il y a des gens qui portent sur eux le "stigmate" de l'assassin qui arrange tout le monde. Il y a d'autres gens qu'on verrait bien coupables car ils ont tendance à défrayer un peu trop la chronique. Et puis il y a ceux qu'on ne peut pas considérer coupables simplement sans risquer de remettre en cause l'establishment.
Bon, l'histoire se déroule dans une petite ville de province, Pontarlier, où tout le monde se connait entre les nantis, les bourgeois d'un côté et tous les autres de l'autre côté. On repère ainsi très facilement ceux sont sortent régulièrement du rang ou des clous. La démonstration du film est plus crédible dans une petite ville mais je pense qu'en l'occurrence, le raisonnement pourrait rester valable dans une plus grosse ville.
Pour éviter tout quiproquo fâcheux et toute facilité (on vous l'avait bien dit, ma brave dame), le scénariste a été suffisamment astucieux pour faire en sorte que tous les personnages ou protagonistes du film aient la même couleur de peau.
Dans la ville, il y a deux bistrots : celui pour les nantis, les bien-pensants, les notables où on refait le monde à son image et où on joue au bridge. Et puis il y a l'autre, une boite où on danse et on écoute du rock, où probablement on boit de l'alcool (en 1962, n'allons pas trop loin).
Les clients des deux bistrots s'observent et ne communiquent pas entre eux.
Seul, le vétérinaire navigue de l'un à l'autre (excellent Maurice Biraud) et porte une certaine lucidité sur le meurtre et le procès mais par prudence conserve une certaine retenue.
Le casting est d'un excellent niveau.
Du côté des notables, on ne s'étonnera pas de trouver Henri Crémieux (le médecin légiste cauteleux à souhait), Bernard Blier (le pharmacien qui s'interroge beaucoup), Gaston Modot (le juge d'instruction bien pensant), Francis Blanche (le procureur qui rêve d'enfin décrocher une condamnation à mort), Albert Remy (le commissaire de police, partisan de l'ordre et ennemi du désordre), Danièle Delorme (la femme bourgeoise qui n'a qu'une peur c'est le qu'en dira-t-on qui pourrait remettre en cause son statut) ...
De l'autre côté, on est dans le diffus, plutôt des jeunes dont Jacques Riberolles (le photographe, l'artiste, quoi) ou Robert Dalban en pêcheur à la ligne, appelé à témoigner...
La mise en scène est efficace avec des mouvements de caméra champ/contre champ examinant le même personnage ou une discussion entre deux acteurs sous des angles différents ou en contre plongée donnant une certaine fluidité et du contraste.
"Le Septième Juré" est un film noir où les questions posées sur la notion de culpabilité ne conduisent pas à une remise en cause sociétale car tout s'arrange pour le mieux afin de préserver l'entre-soi des notables avec des solutions feutrées, discrètes mais efficaces. On en frémit.
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