Lancer un film de Bergman est toujours particulier. Lorsque j’ai découvert ce cinéaste, par l’intermédiaire de Persona, plusieurs choses m’avaient frappé et que l’on retrouve somme toute assez rarement : une profondeur inégalée du récit, une mise en scène brillante et une réflexion sur l’identité, la conscience. A la fin de cette première expérience, j’en suis ressorti très partagé ; partagé entre le fait que j’avais été ébloui par certains aspects, et la frustration de n’avoir pas saisi toute l’œuvre. Ce qui m’a définitivement intrigué, et donc m’a décidé à continuer la filmographie du génie suédois.
Après l’intro psychédélique de Persona, je m’attendais à quelque chose de spécial pour Le Septième Sceau. Or ce fut le calme d’une plage qui posa le décor. Un oiseau dans le ciel. Des chevaux les pieds dans l’eau. Deux hommes, un chevalier et son écuyer. Un cadre paisible, en sorte. Ouiménon.
Car Bergman introduit rapidement un personnage central du récit et peu attendu : la Mort. Il faut dire que l’époque est prospère pour la Grande Faucheuse : Croisades, peste noire, chasse aux sorcières sont au rendez-vous.
C’est sur une célèbre partie d’échec entre la mort et le chevalier, Antonius Block (Max Von Sydow), que va se jouer le destin de ce dernier. Si le chevalier l’emporte, il pourra retarder sa mort. Dans le cas échéant, son sort est scellé. Antonius Block propose à l’origine cette partie d’échecs, car il est en plein doute sur son existence. Il ne peut mourir maintenant, il a soif, pas seulement de bière mais aussi de connaissances. Dieu existe t-il ? La vie a- t-elle un sens ? La fin du monde est-elle imminente ?
La mort accepte le défi, et l’aventure métaphysique peut commencer.
Au cours de leur périple dans une Suède moyenâgeuse, Block et son écuyer Jöns vont rencontrer divers personnages typiques de l’époque comme des saltimbanques, des servantes ou des maris légèrement rustres. Le chevalier retrouve peu à peu goût à la vie, usé par 10 ans de croisades. A ce propos, la scène du pique-nique où tous les protagonistes se regroupent autour d’un bol de fraises est particulièrement belle. Block en va même jusqu’à oublier un temps sa partie d’échecs contre la mort, qui s’impatiente. Un moment de répit qui ne fait guère oublier la cruauté qui règne alors, rappelée par la grande faucheuse elle-même, qui fait planer le doute sur la survie du fils du couple de troubadours.
Après le retour du héros chez lui, auprès de sa femme délaissée trop longtemps, la partie s’achève sur une dernière danse sombre, fantasmagorique mais aussi délicate, à l’image de ce film dans le sens où celui-ci n’appuie pas constamment sur le côté dramatique. L’espoir n’est pas mort, le printemps jamais loin.
Bergman démontre ici toutes ses qualités de mise en scène, avec des plans splendides, des jeux d’ombre et de lumière exquis comme à son habitude.
A des fins scénaristiques, Ingmar Bergman s'est arrangé quelque peu avec l'histoire (la fin des croisades a lieu plus de 50 ans avant l'apparition de la peste noire), mais l'important n'est pas là. Le Septième Sceau est un film qui m'a marqué, à défaut de me convaincre entièrement. Il n'en reste pas moins très intéressant, les thèmes abordés sont sérieux mais très joliment retranscrits.
Et lorsque l'Agneau ouvrit le septième sceau, il se fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure.
Et je vis les sept Anges qui se tiennent devant Dieu ; on leur remit sept trompettes.