Un Héros des temps nouveaux

La première chose qu’on note immédiatement dès le début du Serment de Tobrouk, c’est le ton utilisé par la voix off (celle de BHL bien sûr) : ton patelin, pénétré de sa propre importance, lourdement « poétique » et littéraire; on voit bien qu’il a la certitude d’avoir réalisé là un nouveau Nuit et Brouillard qui restera dans la mémoire des peuples pour les siècles à venir.

Comme on s’en doute, c’est un reportage tout à sa gloire, mais on y croisera également quelques personnages hauts en couleurs aussi sympathiques que lui, tels Netanyahou, Sarkozy, Hillary Clinton, et une flopée de chefs de guerre libyens, ses « nouveaux amis », amis libyens qu’il traite d'ailleurs avec une condescendance jamais prise en défaut.

Il faut le voir parader dans son uniforme noir et blanc habituel (toujours d’une propreté impeccable), entouré de types en armes ou de « politiciens wannabes », et on ne peut s’empêcher de penser à King Jun Un visitant une fabrique de peignes à cheveux ou une usine de poisson séché entouré de hauts gradés en train de griffonner frénétiquement sur leurs carnets à spirales. Hallucinant.

On constate surtout dans cette bouse l’arrogance d'un Occident qui pense que tout tourne autour de lui, et qui s'offusque de ce que ses « alliés » se retournent contre lui, alors que bien sûr lesdits alliés ont leur propre agenda, leurs propres desseins, qu’ils ne vont pas nécessairement claironner; ce qui est très clair ici (mais c’est moi qui note, pas BHL…), quand ces chefs libyens acquiescent à tout ce que leur sermonnent des leaders occidentaux, et qui une fois au pouvoir s’empressent d’instaurer la charia.

Le plus admirable chez BHL, c’est qu’il semble croire vraiment à ses propres conneries. Pas l’ombre d’un doute ne vient assombrir son fier visage buriné par les salons parisiens. il est absolument convaincu d’être le nouveau messie de la Libye, l’éminence grise des dirigeants occidentaux, et à la fin du reportage, des petits enfants joyeux balayent le sol sur une place, lavant métaphoriquement le souvenir d’une dictature glaçante, le regard candidement tourné vers un avenir radieux. Avenir radieux qui n’a pas tardé à poindre, comme nous savons. Merci BHL !

Certains passages sont réellement intéressants, ceci dit, car ils nous montrent quand même des scènes qui ont eu lieu, mais il faut d’abord gommer le commentaire off, la tronche de BHL, et la suspicion que certaines scènes aient été "jouées" (on connaît l'animal !) Autrement dit, Youtube aurait largement suffi.

Voilà, pour conclure, Le serment de Tobrouk n’est pas aussi mauvais que Le jour et la nuit (à l’impossible nul n’est tenu), mais BHL a fait tout son possible pour s’en approcher. Kudos !