- Laisse ça, Billy. Tu entends ? Ce n'est pas pour toi.
- Juste un coup ?
- Non. Je te défends même d'y toucher.
- Vous me faites tirer au fusil.
- Pour tuer des bisons. Ton frère Ben sera fier de toi. Ce qu'on abat avec ça est sans valeur comme peau.
- Monsieur Masterson...
- Oui.
- Quel effet ça fait de tuer un homme ?
- Je vais te le dire. C'est moche. D'abord, tu lui fais face, et tu as peur. Tu voudrais te cacher. Mais tu ne peux pas. Parce qu'à ton pemier geste, l'autre tirera. Alors, tu fixes ses yeux et tu pries Dieu qu'il cane, ou qu'il parle afin que tu t'en sortes. Tu essaies aussi de parler. Mais tu y arives trop tard. Il n'est plus devant toi. Il est allongé par terre, les gens hurlent et t'offrent à boire, disant qu'il a tiré le premier. Toi, tu cherches un coin sombre, et tu vomis.
Le Sherif aux mains rouges de Joseph M.Newman est une bonne occasion pour moi de remettre en avant le comédien Joel McCrea, un spécialiste du western aujourd'hui malheureusement oublié de beaucoup, à travers l'histoire vraie d'un géant de l'ouest. Joel McCrea incarne avec Bat Masterson une véritable figure du far west qui fut connu pour sa polyvalence de profession en tant que chasseur de bisons, éclaireur pour l'Us Army, gérant de saloon, garde-frontière, marshal, pour finalement terminer comme éditeur puis journaliste. En tant que shérif il fut un moment donné adjoint aux côtés de la légende Wyatt Earp et a contrario fut prisonnier à plusieurs reprises notamment pour jeux clandestins, laissant profiler le visage d'un homme complexe et atypique que le film essaye tant bien que mal de présenter. Le récit se concentre en partie sur le moment où Masterson est choisi comme shérif de Dodge City après la mort de l'ancien shérif qui n'est nulle autre que son frère, mais essaye également d'encadrer un maximum d'éléments autour de celui-ci sur une courte durée d'1H21. En conséquence de quoi, l'intrigue ne fait que survoler la psychologie des personnages par le biais de conflits psychologiques bien présent mais malheureusement trop vite passé.
Heureusement le travail des acteurs est excellent et permet de compenser un minimum se manque à commencer par Joel McCrea qui parvient à retranscrire la complexité entourant Masterson. Le comédien est efficace, parvenant à faire preuve de subtilité autour d'un personnage bourru mais loyal qui ne présume pas une seule fois de ses forces malgré son charisme. J'aime beaucoup l'approche mature de McCrea autour de la peur qu'impose les duels aux révolvers qui n'est pas sans rappeler à un niveau plus moindre l'excellent western "La Première balle tue" de Russell Rouse sortie 3 ans plus tôt avec Glenn Ford et Jeanne Crain. McCrea peut compter sur la surprenante Nancy Gates en tant que "Lily", la tenancière d'un saloon, qui livre une petite performance appréciable. La belle surprise vient du comédien John McIntire pour le docteur Sam Tremaine en tant qu'ami fidèle prêt à suivre Masterson dans toutes les difficultés. Révérend Howard (James Westerfield) accompagné de sa fille rigide et facilement heurté : Pauline Howard (Julie Adams), amènent un peu de dualité idéologique en traçant la voie lumineuse que doit emprunter Masterson pour se racheter une conduite. Nancy Gates et Julie Adams forment un triangle amoureux autour de McCrea qui a finalement le choix entre le péché (Lily) et la pureté (Pauline). Un choix amoureux qui n'est pas sans rappeler un western sorti 4 ans plus tôt : "L'Amazone aux yeux verts", de Edwin L. Marin avec John Wayne, Ella Raines et Audrey Long. Les performances sont les principales qualités du long métrage Le Shérif aux mains rouges. Les antagonistes quant à eux sont totalement effleuré.
Joseph M. Newman livre un western techniquement bien fichu autour d'une formule maintes fois vues mais qui s'avère divertissante avec quelques fusillades sympathiques dont un duel final doté d'une mise en scène bien élaborée se passant dans la rue principale de Dodge; une bagarre aux poings qui ne manque pas de punch; l'évasion entraînante mais trop facile d'un prisonnier; une tentative de viol heureusement stoppée; ainsi qu'une touche de mélodrame romantique plutôt bienvenu; sans oublier un zeste de politique amusant dans la présentation avec une distribution de cigare gratuite afin de corrompre les électeurs. Un condensé de bonnes péripéties qui n'épargne malheureusement pas ce western d'un spectacle routinier pour le genre faisant du long métrage un spectacle trop sage. Avec un tel sujet et une telle distribution, il est dommage que Newman soit un peu passé à côté, à vouloir trop en faire il empêche son oeuvre de devenir un grand classique malgré le talent de Joel McCrae. La composition musicale de Hans J. Salter au même titre que tout le reste (jeux des comédiens exclus) manque d'impact et de lyrisme, pour autant, elle reste de qualité, juste qu'elle est oubliable.
CONCLUSION :
Le Sherif aux mains rouges réalisé par Joseph M. Newman est un western divertissant autour d'une histoire vraie sur une légende de l'ouest qui malheureusement souffre d'une formule maintes fois vue qui survole trop vite son sujet rendant le tout un peu superficiel ce qui réduit l'impact cinématographique d'une oeuvre qui au vu de son histoire vraie traitée aurait mérité bien plus d'impact. Fort heureusement, le casting peut compter sur un excellent Joel McCrea ainsi qu'une bonne distribution de soutien pour rehausser le tout.
Une distribution solide autour d'un sujet robuste qui dans l'ensemble s'avère un peu friable.