Central airport (Le signal), William Wellman 1933

En 1933, William Wellman réalise deux de ses meilleurs films, Héros à vendre et Wild boys on the road, deux des plus beaux films américains sur les conséquences sociales de la crise de 29. Mais c’est une époque où on tourne beaucoup, et vite : Wellman tourne quatre autres films en 1933, dont ce très beau Central airport, peu connu, dans lequel il partage de nouveau son amour pour l’aviation (il fut pilote dans l’escadrille Lafayette), après le célèbre Les ailes, sorti en 1927, premier film à recevoir l’oscar du meilleur film. Central airport impressionne par ses vues aériennes, loopings, retournements, amerrissage sur une mer déchaînée, alternant prises de vue aériennes et scènes de studio.

Tout Wellman est dans ce film, dans la précision, dans l’empathie du réalisateur avec ses personnages, dans l’idée de renoncement et de sacrifice, dans l’absence de véritables projets, les personnages étant comme ballottés par les événements, sans que les moments de crises ne permettent de rétablir une situation compromise par trop d’incertitude. « Quand on gagne sa vie dans le ciel, on ne fonde pas une famille, ça fait longtemps que j’y ai renoncé », déclare Jim (l’excellent Richard Barthelmess, au jeu toujours très sobre), engageant ainsi son existence en dehors de toute détermination, quelle soit amoureuse ou sociale, malgré sa tendance à l’héroïsme et au sacrifice de soi, jamais appuyés par Wellman, ce qui permet d’ailleurs au réalisateur d’ajouter vers la fin une touche mélodramatique dénuée d’atermoiements, d’espoirs, ou de véritables regrets. Si Jim partira, seul, dans la scène finale, remplie d’émotion, comme le héros de Héros à vendre était reparti sur les routes d’une Amérique en crise, c’est que jamais il ne sacrifie aux codes, aux conventions.

Il faut noter d’ailleurs que dans ce film s’inscrivant dans la période « précode », Wellman joue sans doute avec ironie avec le code, le code Hays, lorsque les amants se rendent à l’hôtel, demandent chacun la clef de leur chambre puis se séparent, le spectateur se demandant un instant si leur amour est « entérine », puis n’ont qu’à ouvrir la porte séparant des chambres adjacentes pour s’enlacer passionnément. Wellman jouera aussi avec les conventions cinématographiques lorsque les amants, se retrouvent de nouveau, sans le savoir, dans deux chambres adjacentes : évitant le montage alterné, le réalisateur place sa caméra devant la cloison, effectuant d’abord un léger travelling avant jusqu’à celle-ci, le cadre étant ainsi coupé en deux par la mince épaisseur de la cloison, Jim à gauche dans sa chambre, Jill à droite. Puis un travelling arrière, vers le spectateur donc, avec un déplacement de la caméra vers la gauche, dévoile à la fois la partie de la chambre cachée d’abord dans le hors champ, derrière la caméra donc, et ce hors champ en lui-même, puisque les deux espaces semblent ainsi se rejoindre, laissant apparaître le bord factice de la cloison, comme si on était au théâtre ou, plutôt, comme si nous nous trouvions avec l’équipe technique dans le studio dont apparaît tout l’artifice – sans pour autant que cette rupture d’une convention essentielle, l’illusion de réalité, ne vienne rompre la linéarité du récit, nous faisant glisser au contraire vers le mélodrame, comme si une nouvelle rencontre amoureuse, une deuxième chance, était possible, puisque les anciens amants se retrouvent (plan suivant) dans le couloir. Seule la mort de Bud, le frère de Jim, aurait rendu cet amour possible, mais le sauvetage en mer, un des plus beaux peut-être de l’histoire du cinéma, évite cette fin mélodramatique. Jim repartira, seul, vers un hors champ de tous les possibles.

finisterrae
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le 31 déc. 2022

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