Elle a le front brun, belle Linda.

Malgré une image un peu écornée par une série tv kitchissime et des adaptations cinématographiques contemporaines allant de celle, un peu lourde et vulgaire, avec Antonio Banderas à celle, carrément surréaliste, annoncée pour dans quelques temps (Zorro : Reborn, seriously, what the fuck?), je garde une certaine tendresse pour le vengeur masqué, mélange improbable de Robin des bois, de Zapata, de D'Artagnan et de Batman. Je désespérais de tomber un jour sur une version correcte de ses aventures sur le grand écran, jusqu'à découvrir l'existence de ce film de 1940, qui faisait renaître un petit espoir, relatif vu son peu de notoriété sur nos terres.

Et j'ai bien fait de garder allumée cette petite flamme, car cette pellicule narrant le retour à Los Angeles de Don Diego de la Vega, confronté à la main de fer d'un usurpateur tyrannique, pourrait bien faire office de classique du genre de cape et d'épée, pour peu qu'on prenne la peine de la redécouvrir.

Pourquoi?

Pour son casting trois étoiles, d'abord. Si Tyrone Power n'a pas la grâce virevoltante d'un Errol Flynn, il n'en demeure pas moins un excellent Zorro, aussi à l'aise dans le registre de l'escrimeur romantique que dans celui, plus comique, du Diego lâche, précieux et efféminé qu'il lance à la face du monde pour préserver son identité secrète. Linda Darnell est mignonnette en nièce innocente du méchant gouverneur et intérêt romantique du héros, Basil Rathbone joue parfaitement le vil capitaine de la garde,aussi dénué de scrupules qu'émérite épéiste, et Eugène Palette est comme toujours fabuleux, ici en religieux un peu vitupérant (il reprend peu ou prou son rôle de Frère Tuck dans l'adaptation de Curtiz) et mentor du héros.

Pour la réalisation de Mamoulian, très efficace, et rehaussée par une jolie photographie.

Pour, enfin et surtout, l'abondance de scènes délicieuses, cœur de tout bon divertissement. Des dialogues réussis et assez drôlatiques (sous-entendus coquins inclus), des badinages amoureux charmants dans une chapelle ou sur un balcon, une danse entraînante, des poursuites à cheval, un duel lisible et élégant (j'adore ça), de l'infiltration, du chantage, une évasion, un soulèvement populaire...il y a à boire et à manger, et le tout est dans l'ensemble très goûtu.

Et si les peine-à-jouir s'offusqueront devant un scénario basique et une certaine insignifiance globale, je leur répondrai que, s'il n'y a effectivement rien de terriblement bouleversant ou marquant dans cette bobine, elle offre un plaisir simple et sans prétention, ce qui, je vous le confesse, fait un bien fou.