Les films de psychopathes ça a toujours été la tasse de thé de ma mère, et la musique des années 80 la tasse de café de mon père. Ils ont divorcé et, d'un coup, les deux ambiances étaient séparées. Le silence des agneaux la semaine, et Mon fils ma bataille un week-end sur deux (et le mercredi après-midi).
Avec ma mère j'ai vu des films un peu compliqués pour mon âge, Le dentiste à dix ans, quelle avait regardé au lit avec une amie à elle, que je trouvais très belle. Moi j'étais au milieu, pas trop réceptif à ces histoires de tueurs qui se donnent de bonnes raisons, mais extrêmement réceptif par contre à la fascination de ma mère. C'est celle-ci je crois qui faisait mon véritable divertissement : qu'est ce qui la motivait à se faire un film de serial killer chaque semaine ?. Est-ce qu'elle y voyait le stade ultime de la subversion ? Ou l'occasion d'un moment cocooning, bien collée à moi et son amie sous la couette dans les moments d'effroi ? Ou peut-être qu'elle exorcisait l'idée du célibat, en se confrontant à la violence terrible de ces hommes à travers l'écran ? Peu importe, en vérité... c'est pas la réponse qui compte. C'est de vivre tout ça à travers l'autre. C'est beaucoup pour un enfant, de vivre par le prisme du cinéma les angoisses et les velléités d'un parent. On dit que l'émotion c'est le mouvement, bah j'alternais dans ces moments entres les trois questions. C'est pas conscient mais ça remue probablement.
Ainsi tous les trois, parfois tous les cinq avec mon frère et ma sœur, emmitouflés sous la couette à se faire peur en se gavant de bonbecs,... c'est angoissant et réconfortant, parce que l'enfant à ses problèmes aussi, on se sent en osmose. En osmose et sur la brèche, comme le dit Will Graham en colère à son capitaine :"ça va, t'arriveras à composer avec le paradoxe ?"
Autant dire que la scène du supermarché m'a touché, c'est les moments comme ça qui sont pour moi les plus marquants de l'enfance (qui dure encore), lorsque l'air de rien, sous la couette ou entre deux boîtes de cassoulet, on réalise quelque chose au sujet de papa ou maman, quelque chose qui incite à reconsidérer.
Et puis la grosse guitare des années 80 aussi dans les moments de vérité, ça fait remonter des choses. En gros je me suis pas mal fondu dans les états d'âme de Will Graham, comme on peut se fondre dans l'introspection trop apparente d'un parent. On a envie d'aider et en même temps on n'est pas sûr d'avoir les épaules. C'est que comprendre des choses nouvelles, qui plus est au sujet des proches, ça fout le réel en vrac.
Je trouve que le gosse il gère bien, dans la scène du supermarché. Il dit à son père qui vient de lui expliquer être passé par les pires pensées : "C'est lequel ton café préféré déjà, c'est celui-là ? Maman l'aime bien aussi." L'air de dire que c'est noté papa, et que ça nous empêchera pas d'écouter ce soir un bon Riff de Iron Butterfly.
https://youtu.be/QPK2dSJaj4M