La première chose qu'on se dit en attaquant "le sixième sens" c'est: qu'est-ce que c'est que ce truc?". Déjà, ça fait partie de ses films des années 80 dont on aimerait bien savoir ce que les traducteurs fumaient pour trouver un nom aussi éloigné du sujet du film. Ne cherchez pas: le film ne parle ni d'intuition, ni de pouvoir extrasensoriel... Pour cela, allez voir... Ben Intuition de Sam Raimi, ou Sixième sens. NON, pas LE sixième sens de Michael Mann, mais Sixième sens de Shyamalan. Argh, mais on s'y perd à force. Bon, en fait il s'agit de l'adaptation de Dragon Rouge, premier volet des romans mettant en scène le personnage de psychopathes anthropophage Hannibale Lecter. Fait curieux: le titre en V.O. n'a lui non plus pas grand chose à voir avec le sujet du film, bien qu'on pourrait argumenter qu'il fait référence à la traque de la "fée des dents" (ou "Dents voraces", mais sérieux les gars de la VF...). Autre fait étrange: Michael Mann passe complètement à coté des traits de caractère emblématique du personnage d'Hannibal, que ce soit le cannibalisme, mais également le machiavélisme et le raffinement. Ce Lecter ressemble plus à une sorte de McGuffin pour débusquer the "Tooth Fairy", bien éloigné du mentor pervers de Clarisse Starling dans Le silence des agneaux et Hannibal, ou du rival revanchard de Will Graham dans la seconde adaptation du roman, sortie en 2002. Ca fait très bizarre, surtout que Brian Cox l'interprète d'une manière assez caricaturale, avec des mimiques et tiques assez poussives. Néanmoins, l'histoire est respectée dans les grandes lignes. En fait, on sent que ce qui a intéressé Mann est une fois de plus la possibilité de traiter d'un personnage écoché vf, complètement obsédé par le travail au point de devenir aussi fou que les criminels qu'il traque. Le film est quasiment centré sur le jeu du chat et de la souris entre le flic et le tueur. En cela, l'ambiance fonctionne à merveille, le cinéaste américain parvenant à nous immerger une fois de plus dans une ambiance "d'hyperréalité" au point de conférer au récit un aspect quasi mythologique. Aidée par une BO géniale et une brochette d'acteur convainquant (sauf Lecter). La réalisation est bourrée de bonnes idées, et le travail sur le cadrage et la couleur sont époustouflant. Rest quelques menus défauts comme l'absence d'un vrai climax, ce dernier se révélant beaucoup trop précipité et brouillon. Certains partis-pris musicaux sortent un peu de l'expérience aussi. Enfin, comme je l'évoquai plus haut, Michael Mann a beau être le réalisateur de la balade épique à la sauce moderne, c'est loin d'être le plus sensible du point de vue de la symbolique, ce qu'il fait qu'il passe à coté de la métamorphose du dragon, thème fondamental pour le personnage du psychopathe. C'est un peu dommage mais ça n'entahce pas le film, qui reste un excellent thriller qui annonce ses films à venir.
En définitive, un film que je recommande, aussi bien comme une curiosité dans l'historique de la "saga Lecter" que comme la prémisse de tout un pan du cinéma de Michael Mann.