Voilà un portrait dont on a pas l'habitude de tirer lorsqu'on évoque une figure historique de l'Axe et dont l'histoire se souvient pour les exactions commises par son armée en Asie pendant une longue partie des décennies 1920-1940. Troisième volet d'une trilogie consacrée aux figures totalitaires de la Seconde Guerre Mondiale, ces films ressortent plus du domaine intimiste que du domaine historique et ce film là en est la parfaite démonstration : Sokourov a choisi de concentrer son film sur une démonstration (ou une interprétation) plus personnelle de Hirohito, il n'en fait pas un dictateur à bout de forces comme le Adolf Hitler de La Chute ou le Napoléon de Waterloo mais plutôt un portrait proche de Louis XVI et un mélange d’esthète cultivé à la manière d'un Frédéric II de Prusse. Un portrait, oserais-je dire, d'un artiste. Un homme subissant sa fonction héréditaire d'Empereur mais qui se serait épanoui dans une autre vie, éloignée des considérations politiques qui semble le dépasser.


Il est vrai que dans l'ère post-Meiji, l'Empereur du Japon - tout en gardant toutefois son aspect divin - n'était pas aussi influent qu'avant en matière de politique, les zaïbatsui (les entreprises) et l'armée étaient les deux pôles les plus puissants d'un Empire nippon apathique et affaibli depuis deux décennies par de nombreuses crises.
Hihorito a donc joué, dans l'histoire de son pays, un rôle effacé et très peu à la hauteur de son grand-père Meiji, lorsque les militaires japonais lancent leurs opérations en Mandchourie, en Chine, ou à Hawaï, ils ne lui demandent pas son avis, il ne sert qu'à légitimer leurs actions.
L'explosion des bombes nucléaires ont permis à l'Empereur de signer la reddition du Japon sans perdre la face.
Le film nous montre le duel moral et le conflit intérieur d'un Hihorito tentant péniblement de garder son assurance impériale et le salut de son pays qui mourait à petit feu des bombardements américains.


Hihorito est dépeint comme quelqu'un de sensible, il arbore dans son bureau des statuettes de Lincoln, Napoléon (qu'il finit par ranger) et Darwin, il possède un album photo de stars de cinéma américain comme Charlie Chaplin (dont il se flatte de lui ressembler physiquement) ou Humphrey Bogart, il parle plusieurs langues dont de nombreuses langues européennes, est concerné par les questions scientifiques comme la biologie marine, approuve l'égalité raciale, etc.
J'ignore si ce portrait constitue une réalité sur la personnalité de l'homme Hirohito en tant que tel, ce que nous savons cependant c'est que c'est un parti pris par le film de ne pas mentionner les faits qui sont liés à la guerre et à l'attitude japonaise à l'égard des crimes de guerre. Dès lors qu'on accepte ce postulat, on se laisse embarquer dans un film très esthétique, d'une beauté plastique avec quelques scènes assez mémorables comme celle de l'hallucination/rêve de l'Empereur, voyant son pays en feu dans une séquence traumatisante en numérique ou encore lorsque l'Empereur constate l'état de son pays pendant son transfert en voiture.
Un très beau film.

Polyde
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le 9 mai 2019

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