Le Solitaire
7.4
Le Solitaire

Film de Michael Mann (1981)

/Critique modifiée le 17/12/2023/

En démarrant ma rétrospective sur Michael Mann, il y a de ça bientôt 2 ans et demi, je m'était demandé si je voulais voir Le Solitaire en premier ou en dernier. Catalysant d'après ce que j'avais entendu tout ce qui ferait la renommer ainsi que les thèmes de Mann dans ses futurs films.

Un premier film pour se faire une impression ou un premier film pour comprendre l'origine du talent d'un réalisateur adulé. À présent de retour sur un revisionnage complet des œuvres du bonhomme. En connaissant le film, mais en plus de ça tout le reste des films de son auteur. En m'étant renseigné sur ses thèmes, son style et ses obsessions. Ce revisionnage fut une redécouverte passionnante de la matrice du style Mann avec une maîtrise déjà quasi parfaite de tous ses éléments dès ses débuts.


Premièrement et simplement parlons de sa beauté visuelle. Dès l'introduction, en ne connaissant ni les personnages, ni leur parcours et de plus sans aucun dialogue Mann montre tout son talent esthétique. Des lumières néonisés splendides, les reflets des enseignes se voyant sur le béton humide, des couleurs éparses qui rendent quasiment chaque plan hallucinant de par leurs compositions, mais aussi de cette ambiance si particulière qu'il met en place. Entre un réalisme brut et une sensation magique, éthérée et électronique d'irréel. Michael Mann arrive à magnifier la ville, rendre ses paysages urbains splendides. En se lançant dans le film, quels que soit nos goûts personnels, on ne peut qu'être admiratif devant la réussite de la mise en scène de Mann.


Mais cela n'est pas la seule qualité du film. L'autre atout qu'il a est sa manière de filmer l'action. Très Melvilienne dans la forme, utilisant comme vecteur de tension le silence ainsi que l'appui sur chaque détail techniques. Renforçant alors l'immersion ainsi que l'implication, rappelant alors énormément Le Cercle Rouge. On est toujours les yeux écarquillés, en observant les voleurs brûlant un coffre, en voyant chaque fils analyser pour voir lequel est une alarme ou bien un simple fil téléphonique. En étant du point du vue du personnage à la recherche de l'ennemie, passant au crible chaque coin où l'agresseur pourrait se cacher.

Le réalisme de toutes ses séquences témoigne la maîtrise incroyable qu'a Mann sur sa gestion du rythme et de la mise en scène.


Nous pouvons dès ce premier film noté l'importance que Michael Mann met aux relations des personnages. Choses qui m'était complétement passé à côté lors de mon premier visionnage est l'écriture de son personnage principal. Le titre français n'est alors qu'encore mieux choisie. Le Solitaire, un homme au besoin irrépressible de liberté. Ne pouvant se laisser dicter sa conduite par son supérieur mafieux ou par des policiers véreux. Ceci rentrant totalement en contradiction avec son rêve de stabilité, de famille. Le bémol du film serait peut-être justement le traitement de la femme et de la famille, un peu trop rapide à mon goût. Bien mieux traiter dans ses futurs films. Mais le thème est là, la contradiction entre deux pulsions. L'une de perfection dans un domaine, de prison créé par soi pour s'en imposer les règles et se sentir libre à l'intérieur. Et de l'autre du calme, d'une liberté simple dans la stabilité et le foyer. Les deux allant évidemment voler en éclats au contact de l'autre.

Par le pacte Faustien que Franck fait à son chef, il perd à la fois la liberté sur son travail, mais aussi sur ce qu'il essaie de construire. La vraie tragédie réside presque sur le fait qu'il ne peut échapper à ce pacte. Il ne peut avoir assez d'argent sans cette collaboration, ni de maison, ni d'enfant. La trahison dans cette scène incroyable, d'une couleur vert pâle, de l'extrême contre plonger du chef, des jumps cut procurant cette sensation de malaise où le chef dit enfin ce que Franck ne voulait pas voir. Il n'a jamais été libre.


La séquence finale de rupture avec sa femme. Qu'il abandonne de façon aussi brutale pour qu'elle ne revienne pas. Pour lui faire éviter le danger qui le suit. Cette séquence, qui ne m'avait pas totalement convaincue la première fois, m'a simplement mis à terre cette fois-ci.

Ce premier Michael Mann, ce premier film de cinéma rappelons-le est formellement et émotionnellement parfaitement abouti. Donnant déjà un aperçu personnage Mannien, solitaire, professionnelle, rêvant d'un futur meilleur et plus calme. Mais qui ne pourra pas l'avoir par ses propres contradictions. Un vrai morceau de poésie, je n'espère qu'autant de belle émotions pour la suite.

4A3C
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le 17 déc. 2023

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