Il y a des années, j'étais passionné par un personnage de la mythologie française qui s'appelle Mélusine. Il s'agissait d'une sorcière qui serait à l'origine de la famille des Lusignan et que tous les samedis, à cause d'une malédiction, se transformait en créature mi-femme mi-serpente. Depuis, ce personnage est revenu dans mon existence au point que j'ai envie d'écrire ma propre version du mythe. Mais histoire d'être incollable, j'ai écumé tous les livres et tous les films qui possédaient une créature similaire et si on excepte le caméo de l'Enfant Sacré du Tibet avec Eddy Murphy, je suis tombé sur le mythe du serpent blanc que je trouve personnellement trop sage (j'en ai fait une chronique d'ailleurs). Cependant, ce mythe est assez populaire en Chine au point qu'on a eu plusieurs versions dont une réalisée par Tsui Hark en personne : Green Snake . Le Sorcier et le Serpent Blanc en est la version la plus récente et est porté par un Jet Li, pas encore retiré du cinéma pour des raisons médicales. Et le film est une énorme déception et frustration.
Encore un Tigre & Dragon Like
Déjà, le problème du film est sa principale qualité : transformer un conte chinois en une version art martiaux tel Tigre & Dragon, je n'ai rien contre. Notamment que Ching Siu - Tung est un spécialite de ce genre de film (il a réalisé notamment 2 volet de la saga des Swordsman et était chorégraphe de pas mal de bons films comme le Syndicat du Crime 2 et ...Hero que je ne déteste pas). Le problème est que le film est un Tigre & Dragon like sans la magie de Tigre & Dragon. Le film est bien chorégraphié au niveau des combats et en terme de mise en scène c'est classe. Par contre les effets spéciaux sont limites. Autant les serpents géants sont bien faits, mais les hybrides femmes - serpents font fake. On sent même beaucoup trop les fonds verts dans ce film. En revanche , la musique est très cool et marche dans un contexte de romance. Le second problème est le rythme bien trop accéléré. La progression de l'histoire est bien trop accelérée pour la masse d'événements que regroupe le film. C'est comme si on faisait un film la Petite Sirène mais qu'on allait au delà du "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". Mais cela vient principalement de la narration qui n'a pas le temps de tout exploiter, mais on y reviendra. Le film serait bien mieux passé s'il assumait sa forme originelle, à savoir la forme d'un conte. Dans Harry Potter (en tout cas les premiers tomes et films, jusqu'au Prisonnier d'Azkaban), le film et les livres arrivent à être suffisamment rythmé pour bien exploité les personnages. Ici, les événements racontés auraient nécessité bien plus de développement (oui. 1 h 30 de film est vraiment trop court. Il manque clairement 1 h de film). Du coup, le film parait trop accélérer et cela se ressent dans l'exploitation des personnages.
Jet Li le méchant ?
Abott Fahai (Jet Li) est un moine bien plus développé que dans le conte originel. Le film l'exploite vraiment bien pour qu'on puisse cerner sa personnalité. Il est la voix de la raison, l'autorité religieuse, luttant contre les démons, à savoir les personnes qui selon lui pervertissent le monde. Et on en vient au premier problème du film. Il veut vraiment faire l'antagoniste calqué dans le conte. En effet, le conte originel fait en sorte qu'il est un moine assez rusé mais pas si développé que ça et donc l'antagoniste de l'histoire. Ici, il est présenté comme l'un des 2 héros du film et un héro manichéen. Mais au lieu de développer le personnage et aller dans le sens du gardien de la moralité, il en fait un personnage détestable et vraiment traître. Et je n'ai rien contre ce genre de personnage, sauf dans le contexte, cela en fait un personnage mal écrit. Il n'a rien à voir avec les habitants de l'animé Big Fish et Begonia qui avait la même base mais qui luttaient contre l'héroïne alors qu'il n'en connaissait pas le contexte. Là, Fahai est un menteur et un traitre et sont les événements auraient du remettre en question ses actes. Mais non ! Il est même récompensé par les divinités elles-mêmes !!!
En revanche le Serpent Blanc/Susu (Eva Huang de Crazy Kug Fu) est un personnage bien plus sage et qui est l'équivalente de Juliette. Elle est amoureuse de Xu Xian, l'herboriste et est séduite par sa bonté. Elle est même prêt à sacrifier sa vie pour permettre de guérir les villageois d'attaques de démons. C'est aussi une démone puissante mais impulsive voire émotive. Capable de provoquer de grandes catastrophes pour libérer Xu Xian de Fahai. Malheureusement, elle est présentée comme celle qui ne mérite pas le bonheur. Et c'est assez dommage que le film n'exploite pas suffisamment la relation entre les 2 personnages afin de donner une bonne confrontation philosophique (c'est pourtant le titre du film !) et ne se borne que sous la forme de 2 héros qui s'affrontent (pourtant, il y avait matière) , ne se limitant au fait que les démons n'ont pas le droit d'être dans le monde des humains.
Xu Xian (Raymond Lam) est un le Roméo de l'histoire et le chevalier blanc. C'est un herboriste qui va se lier à Susu et l'épouser (en une coupure chrono !) sans soupçonner sa véritable nature de démone. Il a quand même un bon développement et oui, on peut trouve la relation qu'il entretient avec Susu comme niaise, précipitée et clichée. Sauf qu'autant le coté précipité je suis d'accord, autant les 2 autres défauts sont excusables à cause de l'aspect conte du film. En revanche, la 2e partie où il se mue en preux chevalier afin de sauver Susu est certes mal écrite (quand es-ce qu'il a rencontré la souris qui parle ?) mais va bien dans la thématique de l'amour impossible et du personnage qui veut se racheter.
Les autres personnages ne servent à rien. Ils n'apportent rien au film et c'est bien dommage. Serpent vert / Qingqing (Charlene Choi ) qui aurait pu être intéressante comme étant une version maléfique de Susu et ainsi justifié l'obstination de Fahai est limité à n'être que le faire valoir espiègle de Susu. Pareil pour Neng Ren (Wen Zhang) qui lui aussi aurait pu être un bon personnage afin de montrer que les démons ne sont pas tous maléfiques n'est réduit qu'à être le faire valoir comique de Fahai un peu attaché à Qingqing (dont leur relation aurait pu être mieux exploitée aussi). Et il y a un tas d'autres démons comme la sorcière des glaces de l'intro, les vampires et les démones-renard qui ne servent qu'à être des antagonistes lambdas.
Un film Misogyne ?
C'est clairement l'impression que le film me fait après coup. Le film est le plus anti-féministe que j'ai vue de ma vie. Il n'y a aucun personnage féminin secondaire présenté comme étant un gentil ou un humain. Tous les personnages féminins sont des démones (à part la Tortue et Neng Ren). Bien sûr ce sont des femmes fortes pour la plupart et je n'ai rien contre le faite que Susu soit réduite à une mère au foyer. Mais là, c'est très visible que le film est misogyne. Que le conte le soit de base : admettons. Mais le film est une adaptation de 2011 ! Pourquoi ne pas apporter plus de nuances ? Neng Ren est démon sauf qu'il ne l'est pas de base et il est présenté comme étant une victime et conserve sa personnalité même métamorphosée. Toutes les démons sont en réalité des démones qui soit des méchantes comme la sorcière rouge et les vampires, soit des séductrices comme les femmes- renardes soit comme Qingqing une femme espiègle. Susu est la seule qui soit gentille et non seulement elle est la figure de la princesse dans ce film, mais elle est présentée comme une personne qui ne mérite pas son bonheur alors qu'elle a aidé en secret tout un village ! Tous les hommes sont présentés comme des gentils, des enfants, des naïfs ou des pieux. Maintenant que j'y songe le film met bien en avant la confrontation entre la religion et les tentations. Je n'y connais rien en bouddhisme mais d'une part, je ne vois pas pourquoi le bouddhisme est la religion choisie (le conte de base étant plus ambiguë et on pouvait penser que la religion décrite était le taoïsme) et d'autre part...il y a des dieux dans le bouddhisme ? Et si c'est le cas, pourquoi ils condamneraient cette amour ? Dans le conte originale, la condamnation est plus justifiée car le Serpent Blanc a détruit un temple sacré (à savoir le celui du Pic du Tonnerre).
Ok, à la fin, Susu détruit dans un raz-de-marée le temple de Fahai, mais dans la manière dont c'est présenté, c'est plutôt Fahai qui utilise le pourvoir des dieux afin de vaincre Susu. Mais malgré tout, il a aussi le pouvoir de l'en libérer car il lui permet de voir son mari mais il ne la libère que pour qu'elle lui dise adieu !!
Bref, pour une légende dans le contexte de la chine antique admettons, mais dans un film de 2011, c'est chaud ! Le pire est que l'histoire à quand même des bonnes idées entre Susu qui met Fahai face à ses contradictions, la manière dont elle est empoisonnée qui se déroule différemment que dans le conte originale et la relation Qingpin/Neng Ren qui est bien comme parallèle avec Xu Xian/Susu, même si elle n'est pas développée. Mais tout le reste forme une histoire non seulement mal écrite mais misogyne si on réfléchit bien.
Adaptation décevante
Le Sorcier & le Serpent Blanc, derrière son emballage de conte d'art martiaux avait le potentiel d'être un bon blockbuster chinois, mais se rate à cause d'une écriture précipité et une morale douteuse. Le pire est que le film glorifie les actes de Fahai au détriment de ceux de Susu alors qu'on aurait pu avoir une version actualisée et alternative comme le font souvent les Disney (comme la Petite Sirène où le fait de rendre méchante la rivale d'Ariel était une idée manichéenne mais intéressante, ou le Bossu de Notre Dame avec Quasimodo qui a la fin à la reconnaissance du peuple et sacrifie son amour pour Esmeralda. Non, je vous vois venir ce film n'a jamais eu de suite ! Jamais). Bref, si vous voulez une bonne adaptation de conte récent, allez voir l'animé Big Fish & Begonia. Ce n'est pas du Disney, mais l'animé est très sympathique et possède un double sens de lecture plus profond. Bon ben, je vais essayer de voir Geen Snake de Tsui Hark maintenant