Voici un western, réalisé par Alan J. Pakula en 1978, qui n'a vraiment pas la cote. Et pourtant je l'apprécie beaucoup. D'accord Pakula s'est plutôt fait une spécialité dans les thrillers politiques mais cette escapade vers le western, à mi-carrière, m'a semblé plutôt réussie.
D'abord le scénario classique du "petit" rancher qui tente de survivre face à un gros propriétaire qui, de surcroît, s'est allié à un magnat du pétrole, qui, bien entendu, convoite toutes ces terres …
Ensuite c'est un western qui se passe à la fin de la deuxième guerre mondiale qui donne, ainsi, un intéressant cachet moderne sur des problèmes récurrents depuis la moitié du XIXème siècle. L'Histoire est un éternel recommencement.
Mais surtout c'est le casting qui fait la force de ce film.
Car le "petit" rancher dont je parlais plus haut, c'est une Jane Fonda extraordinaire. Chaque fois que je croise cette actrice, je suis toujours impressionné par sa présence et son charisme. C'est la fille de Henry Fonda et elle tient de lui, au moins par son sourire et par son acharnement dans ses rôles (Cat Ballou, le Retour, Klute, etc etc …)
Son sourire ? Dans ce western elle commence le film, farouche, dure et obstinée dans sa lutte contre le rancher Ewing qui veut la manger toute crue (et accessoirement, la mettre dans son lit). Elle n'est pas aimable. La vraie porte de prison et en plus hargneuse. Faut lui reconnaitre que la partie n'est pas facile à galoper derrière les bestiaux et à se défendre des requins. A la moitié du film, alors que ses affaires commencent à prendre une légère tournure positive, elle nous décoche, enfin, un putain de sourire que j'en étais renversé dans mon fauteuil. J'ai même cru reconnaître le sourire carnassier d'Henry Fonda ! Et, vers la fin du western, quand elle danse, alors là, elle est juste superbe.
Deuxième acteur remarquable : James Caan. C'est typiquement l'acteur qui ne paye pas de mine en première approche. Comme souvent ("Le Parrain", "le solitaire", "un pont trop loin", etc …), j'ai toujours été rapidement impressionné et séduit par cet acteur qui monte en gamme progressivement dans son rôle. Lui aussi, a une présence sur scène. Ici il joue le rôle d'un petit rancher victime, lui aussi, de l'affreux Ewing. Il va s'associer à l'opiniâtre et farouche Jane Fonda. Ah ça ne va pas être simple mais lui aussi va s'accrocher pour la dérider, Jane Fonda … Excellent.
Troisième acteur remarquable c'est celui qui interprète le rôle de Dodger, le vieux cow-boy qui aide du mieux qu'il peut Jane Fonda. Après avoir été au service de son père, c'est la fille qu'il sert avec une profonde admiration (si ce n'est pas de l'adoration). Il s'agit de Richard Farnsworth qui, semble-t-il, a un passé de cascadeur. Là il est excellent et même très émouvant avec son regard bleu, un tantinet coquin.
Et Ewing, alors ? Eh bien c'est Jason Robards qui s'y colle dans le rôle du riche rancher qui veut, à tout prix, ce domaine qu'il n'a jamais pu gagner du temps du père de Jane Fonda. Et là, alors que le père est mort et que la voie est libre, voilà qu'il se casse le nez sur cette chipie de Jane Fonda qui n'en finit pas de survivre !
La mise en scène ! J'aime beaucoup les mouvements amples et lents de la caméra qui embrasse les terres immenses, qui suit les chevauchées pour rassembler les troupeaux. Cette atmosphère apparemment sereine consacrée au dur labeur d'éleveur qui cache les haines et les rancœurs.
La musique de Michael Small est belle et confirme cette plénitude par un rythme lent. Elle est entrecoupée de tranquilles chansons country au coin du feu, le soir, chantées par les protagonistes (James Caan notamment ou Farnsworth)
Pakula effectue avec une belle maîtrise les transitions élégantes voire elliptiques qui n'ont pas besoin de paroles pour que le spectateur comprenne.
Bref, je n'ai pas grand-chose à y reprocher à ce western fort, passionnant et si classique … qui mériterait bien d'être réhabilité…