Tous les gens qui n'apprécient pas les westerns vous le diront: parmi les défauts récurrents du genre, on y trouve une trame narrative presque toujours identique.
Déjà, moi, je puise dans ce constat assez juste une source d'émerveillement permanent: comment arriver à proposer à chaque fois de nouvelles déclinaisons par rapport à un cahier des charge souvent ténu ? Une ville paumée, un ranch, quelques gentils et beaucoup de méchants (propriétaires, indiens…).
Mais j'ai bien conscience de la légèreté de mon inclinaison: après tout, les amateurs de doom metal ne s'esbaudissent-ils pas de la hardiesse de leur groupe fétiche dès que ce dernier ose placer un coup de grosse caisse de manière légèrement différente de ce qui se pratique habituellement, et ne se servent-ils pas de cet acte de bravoure pour vanter les milles-et-unes richesses de leur genre chéri ?
En ce sens, le souffle de la violence est un cas d'école sublime.
Non pas parce qu'il propose une énième délicate version d'un sempiternel canevas essoré, mais au contraire par sa façon magistrale de passer sous les apparences codifiées et évoquer une foule de sujets captivants.
Je vous décris la situation de départ, pour que vous puissiez mesurer la maestria du scénario. Un ex-militaire lassé de la violence (Glenn Ford) compte vendre le ranch où il s'est refait une santé pour partir s'installer avec sa future femme à l'est. Le problème est qu'il ne peut vendre qu'au maître de la vallée (Edward G. Robinson), qui terrorise tout le monde par des méthodes brutales et injustes. Vous le voyez bien: vous n'aviez pas fini de lire la phrase que déjà un irrépressible bâillement vous saisissait.
Et voilà six personnages principaux (le héros, sa future femme. Le méchant, sa femme -Barbara Stanwyck !-, son frère et sa fille) dont aucun, je dis bien aucun, ne se montrera conforme à nos attentes, Je suis malheureusement tenu de garder une grande réserve quant à la destinée de chacun d'entre eux, pour ne pas éventer votre plaisir si d'aventure vous prenez l'envie de voir ce brillant exercice de style, sachez simplement que que comme dans tout grand film, chaque camp révèle des faiblesses et des aspirations qui pourraient le faire allègrement passer de l'autre côté de la barrière (ce que certains font d'ailleurs). La fatigue, l'amour ou l'ambition mal assouvie, l'ivresse et la sécheresse de la vengeance sont autant de ressorts pour propulser l'histoire sur les puissants et passionnants rails de la tragédie.
Mention particulière à Glenn Ford dont j'attaque chaque film sans appétit particulier mais dont je sors comme à chaque fois enthousiasmé. Sacré énigme que ce gars-là.
Il est comme un bon western de l'âge d'or du genre. "Un de plus", ai-je tendance à me dire avant d'y plonger. Avant d'ajouter, à la fin de celui-ci, "un de plus, extraordinaire".