A malin, malin et demi !
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« Adaptation d'une pièce de théâtre. »
« Deux acteurs face-à-face pendant une heure et demie. »
« Cadre historique ancré dans l'époque moderne. »
« Musique savante en guise de bande-originale... »
...Moi d'habitude toutes ces informations suffisent à me faire prendre mes jambes à mon cou et à fuir.
Mais bon, d'un autre côté difficile d'ignorer le sujet : Talleyrand et Fouché discutant du destin de la France juste après Waterloo.
Difficile aussi d'ignorer la distribution : Claude Rich pour jouer le faiseur de roi d'un côté et Claude Brasseur pour jouer le faiseur de veuve de l'autre.
Et pour mettre en scène tout cela : Édouard Molinaro.
Aussi me suis-je tout de même laissé tenter.
Au départ peu convaincu pour les raisons citées en premier (auxquelles s'est ajouté l'accent imcompréhensible de Ticky Holgado), j'ai fini par me laisser séduire au fil des minutes.
Et si les talents conjugués de Rich et Brasseur y sont pour beaucoup - c'est évident - il serait bien sot de ma part de ne pas y voir aussi la maîtrise évidente qu'a eu Édouard Molinaro pour éviter le piège dans lequel nombre d'autres auteurs seraient tombés : le théâtre filmé.
Pourtant on serait en droit de se poser cette question : qu'est-ce que ce film a de plus qu'une simple représentation filmée ?
Ce long-métrage ne se résume-t-il pas qu'à la seule déclamation des dialogues écrits par Jean-Claude Blisville, auteur de la pièce originale ?
Alors certes, sur bien des aspects ce "Souper" peut s'appuyer sur les qualités initiales de son modèle, c'est incontestable.
Il ne s'agira pas ici de renier la finesse des échanges, l'esprit de la répartie, et surtout la compréhension aiguë (et documentée) que le script révèle de ces deux personnages cardinaux de la Révolution française.
Pas plus d'ailleurs qu'il ne s'agira de contester le délectable plaisir qu'on peut prendre à voir ces deux monstres sacrés du théâtre et du cinéma leur redonner vie le temps d'une heure et demie.
Mais si ce "Souper" parvient à dépasser le statut de simple théâtre filmé c'est qu'il sait justement jouer de la technique qui est propre au septième art.
Plans rapprochés tirant profit de la finesse de jeu de corps de chacun des deux acteurs.
Photographie magnifique creusant les visages et ténébrant les lieux.
Ingénierie du son sachant jouer tantôt de la foule, des silences ou d'orchestres incongrus.
Et surtout ce sens du montage qui parvient à épouser au mieux le tempo si caractéristique de cette drôle de danse politique.
Parfois ça monte. Parfois ça rompt. Ça se rend coup pour coup, chacun ayant son moment.
On a beau connaître l'issue du combat c'est la passe d'arme qui est belle.
Dans les mains de Molinaro, ce "Souper" va bien au-delà du théâtre filmé. Il est un film à part entière. Un film se risquant au genre le plus difficile et délicat à mettre en scène : le huis-clos.
Et même si sur son dernier tiers ce long "Souper" s'égare et s'épuise un peu - la faute à des répétitions dommageables mais presque inévitables pour un film qui a cherché (peut-être à tort) à tenir l'heure et demie, celui-ci trouve malgré dans ses errements finaux une certaine justification.
Car ce combat dantesque que se livrent ces deux politiciens acharnés est aussi un combat d'usure qui se sent dans les corps.
Ainsi, par ce dernier tiers éprouvant, ce "Souper" parvient-il à traduire les esprits éprouvés.
Et preuve de la maîtrise, l'égarement n'est finalement pas si long et la conclusion arrive suffisamment promptement pour sauver l'essentiel.
Alors oui - j'en conviens - ce "Souper" n'est pas ce genre de film qu'on consomme sans effort - et c'est ce qui lui fait perdre chez moi quelques points - mais force est de constater que ce cinéma sait laisser sa trace dans les esprits, comme les manigances d'un Fouché et d'un Talleyrand ont su laisser leur marque dans l'Histoire.
Créée
le 11 avr. 2021
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