C’est avec « Hospitalité » à Tokyo, puis avec « Harmonium » que Kôji Fukada a pu s’ouvrir au public cannois et au reste du monde. Mais son cinéma est d’ores et déjà identifiable jusqu’à une certaine limite. Une limite qu’il s’agit de franchir. Il y a de quoi rappeler « L’Etranger Mystérieux » de Mark Twain, qui a déjà inspiré quelques-unes de ses précédentes œuvres, où l’intrusion a été revisitée dans le formidable thriller « L’Infirmière ». Ce phénomène révèle des failles au sein d’un groupe ou d’une communauté, qui court inévitablement à la déroute. Pourtant, ce sera par soucis d’apaisement et d’hommage aux victimes du tsunami de 2004, que l’on y discernera une fable, teintée d’un romantisme interculturel. En brisant plusieurs barrières, le réalisateur est ainsi conscient de son atout divin, au service d’un animisme local, exporté et rapatrié.


Ce film n’a pas pour vocation d’apporter autant de réponses que les questions qu’il suscite, avec un élan onirique et dans une promenade poétique. L’homme venu de la mer, Laut (Dean Fujioka), déconstruit les mythes religieux et autres fantasmagories des habitants de l’île de Sumatra. Ce n’est pas une forme d’avertissement, mais l’approche, qui se veut à la frontière du documentaire et de la fiction, alimente cette désillusion pour mieux rapprocher les protagonistes. Mais de qui, de quoi ? Laut signifiant littéralement mer, ou encore océan, en indonésien. Le symbolisme n’est pas anodin et tous ceux qui gravitent finalement autour de son passage seront les plus jeunes. Ceux qui n’ont pas encore le recul sur les événements antérieurs, ceux qui sont encore à la recherche de leur racine ou à construire une vie ou une relation, ce sont eux qui se réunisse autour du messie, observateur et accompagnateur.


Qu’il soit muet ne veut pas dire pour autant qu’il n’annonce pas quelque chose de profond. Par le prisme des écrans et surtout des médias, il y a de la réflexion et des doutes qui en ressortent. Les valeurs d’une religion devienent ambigues et côté linguistique, c’est le même constat. Tout est une question d’interprétation, où le cinéaste fait le choix de respecter la trajectoire du spectateur. La jeune Sachiko (Junko Abe), qui espère trouver une réponse ou un remède à son dilemme, constitue le miroir de ce Laut. Elle se libère ainsi peu à peu de l’emprise du cadre et de son environnement. Le flux et le reflux des vagues ne sont plus des obstacles et ce message s’étend au groupe qui a accueilli cet être, aussi lumineux que ténébreux. Il est authentiquement fidèle à ce que la nature peut apporter ou retirer aux vivants. Mais par-dessus tout, il est symbole d’espoir écologique pour la dernière génération.


Kris (Adipati Dolken) et Irma (Sekar Sari) forment un duo qui finit par se retrouver. De même Sachiko renoue avec son cousin Takashi (Taiga). Et entre ces deux groupes, les cultures s’enlacent et les émotions s’embrassent. « Le Soupir des Vagues » (Umi wo kakeru) reconnaît sa part dans une démarche nostalgique, à l’image de l’œuvre d’Alain Resnais, « Hiroshima, mon amour », mais il se construit surtout une belle étude silencieuse et contemplative. Et malgré un sous-régime dans la mise en scène, visant à personnifier cette cité touchée par les eaux, Fukada s’amuse à orienter la houle dans le sens de son discours. Il confronte rapidement les personnages à leur sentiment et à leur maîtrise du langage, qui ne s’est pas totalement perdu, jusqu’à ce que les rêves se réalisent et que les eaux les pardonnent.

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le 5 août 2021

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