Avec la chanson, le cinéma était l'autre grande passion de notre Johnny national, mais dont les premiers rôles étaient plus des extensions de sa carrière musicale. Avec Le spécialiste, qu'il a voulu tourner, et dont Sergio Corbucci a accepté la commande, Johnny Halliday joue pour la première fois autre chose que lui-même, à savoir un cow-boy venu dans une ville pour se venger de ceux qui ont lynché son frère, qui a caché le magot d'une banque.
On le sait, et il se jugeait très bien là-dessus, Johnny était un acteur limité, et il était plus apte à jouer un personnage peu bavard, dont le corps parlerait à sa place. Et c'est exactement ça avec ce film-là, où sa dégaine à la Clint Eastwood fait qu'il n'est pas très loquace, avec des très beaux plans sur ses yeux bleus acier, et il faut dire que cinématographiquement parlant, ça marche. On sent que l'acteur essaie de s'appliquer, de se mouler dans un genre qui n'est pas le sien, et ça reste respectable.
On retrouve aussi Françoise Fabian, qui sortait tout juste de Ma nuit chez Maud, en tenancière, et qui vient clairement là pour cachetonner en en faisant le moins possible, y compris à prendre un bain, ce qui ravira les plus cochons d'entre nous.
C'est sûr qu'avec ce film, Sergio Corbucci n'atteint pas les réussites de Django ou Le grand silence, mais il y a ça et là quelques critiques pointues sur les hippies, qu'on voit dans la ville de BlackStone, et qui passent par des abrutis, ou sur le pouvoir en place. Ça pétarade comme il faut, avec en plus une très bonne musique de Angelo Francesco Lavagnino, et il faut dire que oui, Le spécialiste est un film qui fait le job. Pas de quoi se relever la nuit, la faute sans doute à un scénario par moments assez confus, mais assez efficace. Et bien meilleur que d'autres westerns spaghettis.