Un début franchement qui ne m'a pas du tout séduit.
La mode étant un sujet tout à fait anti-cinématographique. Je suis blasé dès lors qu'il met donné de devoir ces personnages vide et insipide.
Ce qui sera rattrapé avec un talent évident.
Hop, aussitôt arrivé au Canada, on enlève toutes ces musiques.
Et l'on arrive dans le cœur du film.
Le thème propre au naturalisme des romans du XIXe siècle, sera de l'hérédité des traits humains. Est-ce que ce monsieur de la mode est un meilleur humain que son père ? Certainement, que l'on ne peut pas lui enlever les meilleures intentions concernant son image. Et pourtant, il est mauvais, et cela, en profondeur. Ce personnage est rempli d'attache à ce qu'il renvoie, non pas à ce que ces actes signifient. Il est un homme tout aussi immoral en finalitée.
Au lieu d'appeler la police, il décide de se débrouiller ; car trop préoccupé par sa propre image, il s'imagine capable de résoudre la situation en toute intimité pour ne pas impacter sa carrière. Enfin, ça, c'est ce que l'on peut lire.
Cette lecture m'apparaissant cohérente avec le reste, l'on remarquera que le personnage fuit devant tous ces voisins par le biais de son travail.
Leçon shakespearienne, rien n'est perdu. Il s'agit de se rendre un peu plus ascète et de faire ce qui est moralement le plus évident, plutôt que vouloir conseiller sa gloire personnelle et la vie des autres.
Samarkand, en puissance.
Il rencontre la mort, prévient son roi ; il décide de fuir ce soir à Samarkand. La mort croise le roi par hasard, ce dernier demande à la mort pourquoi a t-elle fait peur à son vizir ; la mort répond qu'elle l'a croisé par hasard, comme l'on croise un voisin en descendant les poubelles. Et que par contre elle a rendez-vous avec ce même vizir ce soir à Samarkand.
Le Vizir et le personnage du film, sont les mêmes condamnés. Il sait qu'il va mourir et plutôt que de prendre les choses avec simplicité, ils essaient de tout calculer, d'interpréter. Et bien sûr qu'il n'y a pas de prédestination à faire le mal, par contre il est certain que nous agirons de la bonne ou de la mauvaise manière en fonction de notre morale. Si nous assumons la contrainte humaine, nous n'esquiverons pas la fatalité qui nous rend si impuissants. Par contre nous ne deviendront pas ce que nous projetons de nous-même. Nous resterons le produit de nos actes désintéressé. L'instinct reflétant ce que nous infériorisons. Ce qui est intégré à notre compréhension mécanique du corps, du monde avec lequel on interagit.
Nous sommes libres dans la mesure où l'on prend les choses pour ce quelle sont, et non pour ce qu'elles signifient selon nous. Oedipe est libre jusqu'au moment où il demande une prédiction. Il l'oubliera, mais l'intériorisera, pour finalement ne pas supporter la révélation tragique qui le conduit à se crever les yeux.
Toute la compréhension de la tragédie se joue dans cette remise en perspective de ce qu'elle présuppose. On ne se crève pas les yeux par parce que l'on n'a pas le choix de se les crever, mais parce que l'on croit que la vie nous a montré que nous étions impuissants. Et pourtant, la vie n'est qu'une succession d'instants corrélés entre eux par la simple juxtaposition de mouvement dans l'espace et le temps. L'homme malade voudra y voir une nécessité, l'homme ; tout court, y sondera un pic émotionnel, un sommet grimpé dans l'échelle de nos malheurs laissant voir en arrière, la vallée tranquille d'où nous venons et la périlleuse pente par laquelle nous rejoindront le vallon suivant.
En somme, nous sommes notre propre drame, comme nous pouvons être notre propre sauveur, notre propre dieu. Il suffit, aussi simple que cela puisse être dit ; de décider de notre implication dans le monde, celui à échelle humaine.
Et étrangement, il est plus agréable, plus beau de pas trop se projeter dans ce qui nous entoure, car tout s'anime, mais pas seulement grâce à notre seule main. Nous sommes plus souvent spectateur qu'acteur. Et Dieu sait comme il est frustrant de ne pas comprendre pourquoi toutes actent compilées nous conduisent à la même fin, la mort.
Prendre la vie en spectateur, c'est ce que cet homme ne décidera jamais de faire. Il préférera se perdre dans sa solitude tragique, nécessaire à son roman intérieur, pure fiction de son esprit malade, en partie construit par ce père que nous ne connaîtront jamais.
Le personnage du voisin trop fan du père, montre autre chose (plus court à explicité, promit.) ; il montre ce qu'il y a de très égoïste dans le fait de venir s'intégrer à la vie de quelqu'un. Ce dernier parlera, parlera ; ne demandera jamais à ce fils ce que représente pour lui son défunt père. Et tout le drame aurait très bien pu s'en trouver évité, si, et seulement si, l'ami avait joué la carte de l'oreille, plutôt que de la bouche. L'homme spectateur manquant toujours. Le non-agir encore une fois ignoré. Ou plutôt, plus justement, la modestie reléguer au rang de politesse prime. La modestie dans l'interaction bien sûre.
Car oui, ce gamin avait et devenu adulte, a encore besoin ; de parler de son père pour entendre ce qu'il y a d'absurde dans sa lecture interprétative du monde. Et pas besoin de dire grand-chose, juste de décrire (comme le fait mécaniquement la caméra), ce qui s'est produit par le passé. Ce qui fait que c'était un homme méprisable.
Le film aura pour morale, que la seule solution, c'est d'accepter cette nécessité de se dévoiler, d'arrêter cette comédie. Tout est là.