Le Successeur
6.7
Le Successeur

Film de Xavier Legrand (2023)

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Au nom du père, du vice et du saint mépris

Sept ans plus tôt, Jusqu’à la garde nous avait scotché au fin fond de notre siège pour sa maîtrise de la tension et à la force d’un cadrage millimétré. Ce premier long-métrage de Xavier Legrand ne pouvait pas mieux lancer le cinéaste dans une carrière qui lui reste à dessiner. Comment enchaîner après tel succès ? Comment gérer une telle pression ? Le successeur semble tout indiqué pour y répondre et avec beaucoup d’audace. Nul besoin d’attendre plus longtemps pour que l’on se jette vers ce nouveau récit, d’une noirceur qui n’a d’égal que sa fureur.


Ouverture en rythme et haut en couleur, nous sommes rapidement plongés dans un défilé de mode, dont le parcours en spirale est significatif. Cette débauche promotionnelle justifie toutefois le sacre à venir d’Ellias Barnès (Marc-André Grondin), dont les créations sont à destination de la gent féminine. En cet instant, Legrand prend la peine de tourner sa caméra sur la superficialité de cette grande exhibition, redondante mais particulièrement envoûtante. Pourtant, la suite du programme est imprévisible pour le couturier. Bien qu’il sente un rapprochement entre sa douleur à la poitrine et le décès inattendu de son père, il va peu à peu découvrir la trajectoire cyclique et tragique dans lequel il se trouve.


Ayant coupé les ponts avec son dernier parent vivant, Ellias est amené à suspendre ses projets professionnels pour remettre de l’ordre dans sa vie privée. Pressé d’en finir avec les paperasses administratives et les obligations cérémoniales, il ausculte la maison familiale pour remballer ses souvenirs indésirables, une fois pour toutes. Mais dans ces longues années d’absence, son père a vécu auprès de personnes qui le considèrent et qui l’aimaient comme un frère. C’est notamment le cas lorsque Dominique (Yves Jacques) débarque sur son palier pour présenter ses condoléances. Mais Ellias ne veut pas les accepter et ne pourra pas digérer plus longtemps ce genre d’affection qui le dépasse car, entre ces murs, il découvre que le paternel ne vivait pas religieusement d’air pur et d’eau fraîche, tel l’oiseau de Michel Fugain. Bien au contraire, les masques tombent et les coutures sautent les unes après les autres. L’attaque cardiaque qu’il a eu quelques jours plus tôt est donc peut-être le signe d’une connexion profonde avec le mal.


Toute l’écriture se joue sur ce mode opératoire, sur le fait qu’il existe une porte fermée en chacun des hommes. Ce qu’elle renferme, c’est évidemment la violence, que l’on peut exprimer par bien des manières et que l’on ne peut pas éternellement refouler ou dissimuler. Et ce qu’il y a derrière cette porte devrait-il également appartenir à Ellias ? Doit-il nécessairement en être le successeur ? Xavier Legrand déroule-là un testament du patriarcat comme on en voit rarement. En prenant soin de nous promener dans cette maison, sorte de labyrinthe mental du protagoniste, il se permet également de jongler avec plusieurs genres et plusieurs nuances de langage, afin de remonter une potentielle piste tragique, dont le héros ne pourra se défaire.

Cinememories
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le 2 mars 2024

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