Un excellent film de Jacques Rouffio réalisé en 1978 sur les risques financiers d'un marché boursier spéculatif.
C'était déjà vrai au XIXème siècle du temps de Zola (l'argent), c'était vrai un peu plus tard dans les années 1930, c'est encore vrai aujourd'hui et cela sera encore vrai dans le futur.
Le film est féroce et s'articule autour d'un "petit épargnant" provincial (Jean Carmet) qui goûte le bonheur du gain dans un marché montant et qui perd la mise parce qu'il a oublié qu'après la hausse vient la baisse.
Face à lui, un "conseiller en placements" (Gérard Depardieu) haut en couleurs, en verbe, en entourloupes en tous genres, qui travaille dans la maison Karbaoui (Roger Hanin et Marthe Villalonga) tout dans la gueule, pied noir caricatural, magouilleurs qui brassent les francs des petits épargnants avec d'autant plus d'aise que ce ne sont pas les leurs.
En arrière-plan, le commerce international du sucre (Michel Piccoli) et la chambre de commerce censée réguler les cours (Claude Piéplu).
Le film est parfaitement didactique car on comprend bien les mécanismes qui conduisent à la hausse puis à la baisse d'un cours et ceux qui tirent les ficelles.
Les acteurs sont extraordinairement crédibles.
Jean Carmet, parfait en pigeon idéal : il est provincial, introduit dans le tourbillon parisien, a pas mal d'argent à placer et se laisse convaincre aux premiers résultats triomphaux.
Son épouse (Nelly Borgeaud) dont son père n'avait que deux règles "d'abord méfiance et puis méfiance" explose devant l'argent facile. C'est drôle de voir Carmet, en petit garçon devant les parisiens et en matamore devant sa femme.
Gérard Depardieu, en aristocrate (au moins pour la façade) la joue très subtile en attirant dans ses filets Carmet puis se prenant d'amitié avec lui. L'argent n'est qu'un jeu et lui-même n'en fait pas une affaire. "ça va, ça vient". C'est le malhonnête au grand cœur ! Il connait les rouages de tout ce monde et en joue avec maestria.
Roger Hanin : dans un rôle à sa mesure (ou démesure). "Débarqué de son douar il y a deux ans" dira Piéplu. "Le casablancais" dira Michel Piccoli avec tout son mépris. Le sang à fleur de peau. Le luxe de stras et de pacotille. Il faut le voir à la corbeille, éructer "je prends, je prends" et il faut aussi le voir faire des ronds de jambe (pas discrets) à un Carmet ébloui qui ne voit plus rien...
Michel Piccoli en patron du commerce international du sucre : épouvantablement délicieux ! Il flaire la bonne combine (pour son business), laisse faire mais se donne une limite et donne la règle. Et quand la limite est atteinte, pan ! par ici la monnaie ... Féroce, cynique, un gros cigare à la bouche, Piccoli est l'homme de la situation. En pleine débâcle des autres, pas de lui bien sûr; il se permet même de faire la morale : "des p'tits sous, ils veulent encore des p'tits sous mais voilà"
Claude Piéplu, président de la chambre de commerce. Hautain limite méprisant, moralisateur "eh bien, avec d'Homécourt (Depardieu) vous êtes entre de bonnes mains" qu'il dit à Carmet. Les cours fous du sucre : il n'a pas su (ou pu ) les réguler. Il va payer les pots cassés et on verra un Piéplu perdre son flegme légendaire.
J'aime beaucoup ce film hautement didactique, limite amoral, très bien réalisé, magnifiquement interprété et qui montre un exemple du miroir aux alouettes qui attire irrésistiblement les petits épargnants qui se risquent dans le monde de la spéculation.