Le survivant c’est un peu le film de science-fiction basique des années 70. Basique à sa sortie oui, mais est-ce vraiment toujours le cas ? Et là j’aurais tendance à répondre non, car Le Survivant fait partie de ses films d’une autre décennie qui fourmillent de détails qui paraissait évident et naturel à l’époque, mais qui maintenant sautent pas mal aux yeux, et rendent le voyage assez intéressant. Autopsie de ce sympathique film de genre, qui se révèle assez vite, être un témoin amusant de son époque.
Le survivant est l’adaptation du bouquin Je Suis Une Légende de Richard Matheson, qui a donné 2 autres adaptations, une en 1964, et l’autre archi-connue avec Will Smith en 2007. N’ayant ni lu le livre, ni vu les autres films je ne pourrais pas comparer. Mais je pense que si ce film ne doit pas être le plus fidèle au livre, c’est surement le mieux adaptés à son époque et à ses enjeux. Car c’est dans un véritable contexte de post-guerre froide que l’action se déroule. Les hommes sont allé trop loin dans la course à la bombe atomique et une épidémie commence à toucher les hommes (surement dut aux radiations) jusqu’à ce qu’il n’en reste plus aucun. Ou plutôt un, car le film démarre sur notre héros Neville, joué par Charlton Heston, un scientifique bodybuildé qui a survécut grâce à un antidote que seul lui a pu prendre et qui maintenant se trouve seul à essayer de vivre au volant de sa voiture dans un Los Angeles désertique.
Après quelques punchlines sur sa condition d’être le dernier homme sur terre, la nuit tombe et se révèle alors un plus gros problème encore que d’être le dernier survivant sur terre : l’épidémie est loin d’avoir tué tout le monde.
Elle a plutôt métamorphosé une partie de la population américaine qui est maintenant devenue d’une grande pâleur, avec cheveux et sourcils blancs, des cloques sur leurs peaux, et craignent la lumière à cause de leurs yeux albinos. Ces hommes sont devenus une sorte de sectes, avec un certain Mathias comme gourou. Et leurs but est de tuer Neville, le dernier symbole d’une Amérique dirigés par le progrès, les machines, ce qui a conduit à cette guerre froide et à l’épidémie.
La critique de la guerre froide est donc évidente, et même si l’on suit en héros Neville et ses valeurs d’une Amérique tourné vers le progrès, Le Survivant s’inscrit clairement dans la vague de film d’anticipation américain anti-nucléaire des années 70 qu’a engrangé cette peur de la bombe atomique.
Mais si le film suinte l’Amérique des années 70 par tous ses pores ce n’est pas qu’à cause du contexte de la guerre froide. Très loin de là.
Cela commence déjà par le choix de l’acteur principal Charlton Heston, un des acteurs les plus bankable de l’époque. Les autres acteurs sont nettement moins connus, mais on découvre assez vite un autre petit groupe de survivant qui ne se sont pas encore changé en albinos, constitué essentiellement de femmes et d’enfant, avec en tête une femme noire à la coupe afro et dont le frère est sur le point de succombé à l’épidémie.
Cette femme fera l’objet d’une romance avec Charlton Heston, et vu que Shaft, l’un des premiers héros noirs d’Hollywood, est sortis aussi en 1971, je ne pense pas trop me tromper en disant que cela doit être une des premières romance entre un blanc et un noir, image d’autant plus forte quand on sait à quel point Charlton Heston était un véritable sex symbole à l’époque.
Et c’est bien sur la libération des mœurs, que le film donne le plus de clin d’œil. On a déjà un documentaire sur Woodstock au début du film (festival qui a eu lieu 2 ans avant la sortie du film), mais aussi quelques références de ci de là, comme quand la femme à coupe afro demande à Charlton Heston s’il est pour ou contre la contraception. C’est touchant, amusant, et surtout une phrase très forte quand on la remet dans son contexte.
Ancré dans son époque dans son principe, et sa réalisation même. La secte est un peu présenté comme un mix entre des vampires (craignent le soleil) et des zombies (loqueteux, se déplace en foule), ce qui rappelle fortement La nuit des morts vivants sortis 3 ans plus tôt, et qui marquait les premiers balbutiements du genre. Mais ça peut aussi se voir rien qu’au fait que Charlton Heston est la moitié du temps torse-nue, ce qui rappelle fortement son image d’alors.
Pour finir, la morale du film elle-même est très fortement marquée par sa décennie. Car là où s’affronte la pensée capitaliste (porté par Neville), et celle nihiliste (porté par la secte), c’est au finale une troisième qui semble être l’avenir de l’humanité : une troupe d’enfant que Neville sauve, et qui s’en va vers le lointain, dirigé par un jeune homme de 20 ans, aux cœurs bons, et aux idées fraiche.
Et comme pour la référence à Woodstock, le film embrasse ouvertement la nouvelle jeunesse américaine, qui veut se forger et se démarquer de ses parents, tout en mettant le holà à ne pas rentrer dans un nihilisme absurde et fanatique.
Et c’est bien là où le film me touche, c’est que plus qu’un film d’action généreux, c’est avant tout un message plein d’innocence et positivisme, qui cristallise particulièrement bien, certains mouvements de son époque.